Résultats & impact 23 avril 2024
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De la bioénergie à partir de résidus agroalimentaires ? Pari tenu au Burkina Faso
L’accès à l’énergie est une question épineuse pour de nombreuses entreprises installées en milieu rural en Afrique de l’Ouest. Joël Blin, chercheur en chimie appliquée aux procédés bioénergie au Cirad, coordonne le projet BioStar, qui vise à développer des solutions en bioénergies durables pour les petites entreprises agroalimentaires des territoires ruraux au Sénégal et au Burkina Faso. « Notre objectif est de proposer des innovations techniques qui utilisent les résidus d’entreprises agroalimentaires pour produire en circuit court de l’énergie, que ce soit de la chaleur, de la force motrice ou de l’électricité. Ces solutions sont conçues pour être adaptées aux besoins et aux contraintes des entreprises avec lesquelles nous travaillons. »
Seize PME, au Burkina Faso et au Sénégal, participent au projet en tant qu’entreprises pilotes. En juillet dernier, un premier équipement en bioénergie a été installé au sein de la PME AgroBurkina, une entreprise de production de mangues séchées. Convaincu de l’intérêt et de la performance de la technologie, AgroBurkina envisage déjà l’installation d’un autre séchoir à bioénergie de plus grande capacité et fabriquée par des équipementiers locaux. En parallèle, des équipements identiques seront répliqués en fabrication locale pour être installés au sein de trois autres unités pilotes de séchage de mangues, au Burkina Faso et au Sénégal.
Substituer l’énergie fossile par de la biomasse renouvelable
« L’accès à l’énergie et son coût constituent de puissants freins au développement de notre entreprise, concède Samuel Doamba, directeur général d’Agro Burkina. Entre 300 et 400 bouteilles de gaz sont quotidiennement nécessaires au sein de notre unité de transformation pour le séchage des mangues, occasionnant un budget énergie représentant plus de 60 % de notre chiffre d’affaires. Le projet BioStar nous permet d’innover très rapidement dans ce domaine, tout en offrant à terme les conditions favorables au développement d’une véritable filière bioénergie dans notre pays, à travers la mise en réseau d’un maximum d’acteurs burkinabés et notamment des équipementiers locaux. »
Laurent Van de steene est spécialiste en procédés de production de bioénergie à partir de biomasse, au sein de l’unité de recherche BioWooEB (Biomasse, Bois, Energie, Bio-produits) du Cirad. À travers le projet BioStar, le chercheur a participé au développement d’un prototype de chaudière à combustion de coques de noix de cajou, qui produit de la chaleur pour le séchoir à mangues. Ces résidus de noix de cajou sont présents en grande quantité dans la région de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. « Les coques sont considérées comme un polluant et sont rejetées en grande quantité par les PME qui transforment la noix de cajou. Pourtant, le contenu énergétique élevé de ces résidus en fait un très bon candidat pour la production de bioénergie. »
Or, la combustion des coques pour en faire de l’énergie entraîne souvent beaucoup de fumée. Les scientifiques se sont ainsi attelés à concevoir une solution moins polluante. Les travaux ont été conduits sur la plateforme Energie de BioWooEB à Montpellier, en collaboration avec les partenaires scientifiques burkinabés et sénégalais de Ouagadougou, Bobo Dioulasso et Saint Louis. Ce partenariat a abouti à la construction d’une chaudière adaptée à la combustion de coques de noix de cajou, qui produit de l’eau chaude pour alimenter un séchoir à mangue. « Le brûleur fonctionne à 100 % avec des coques de noix de cajou. La combustion est stable et propre, c’est-à-dire qu’elle produit très peu de cendre et aucune fumée », se réjouit Laurent Van de steene. « Quant au séchoir, le temps de séchage est plus court que les séchoirs à gaz et la qualité des mangues séchées est améliorée. »
Le passage à une chaleur issue de la bioénergie, plutôt qu’une chaleur produite par une combustion de gaz fossile, a nécessité une adaptation des séchoirs. Ce travail a été mené sur la plateforme de technologie agroalimentaire de l’unité de recherche Qualisud, en collaboration avec les partenaires scientifiques.
Pour en savoir plus sur le projet BioStar :
Une conception et une installation réussies grâce aux bénéficiaires et aux partenaires
Si l’équipement a vu le jour à Montpellier en France, il a été le fruit de nombreux et permanents allers-retours entre le Cirad et les acteurs sur le terrain : la PME AgroBurkina, les équipementiers locaux et des instituts de recherche et de formation burkinabés (Institut International d'Ingénierie de l'Eau et de l'Environnement - 2iE, l’Université Thomas Sankara – UTS et l’Institut de Recherche en sciences appliquées et technologies – IRSAT). La chaudière et le séchoir ont été envoyés par fret et installés par les partenaires dans l’entreprise à Bobo-Dioulasso.
Une équipe de scientifiques membres du projet a ensuite effectué des tests et participé aux démonstrations auprès des membres de la PME et d’équipementiers de la région. Laurent Van de steene ne cache pas sa satisfaction : « en tant que chercheur, on a toujours une appréhension lorsqu’une technologie quitte son laboratoire pour être testée en milieu réel. Sur cette mission, la réussite technique a été totale, et c’est en grande partie grâce à l’engagement de nos partenaires locaux et la motivation d’AgroBurkina ». Un constat salué et largement partagé par Samuel Doamba, directeur général d’AgroBurkina, qui voit dans la démarche participative initiée par le projet BioStar « une garantie de pertinence des solutions et innovations proposées, de leur impact et leur durabilité. BioStar, une solution pour longtemps », s’amuse-t-il même à résumer.
« Si on veut avoir de l’impact et pouvoir concrétiser nos recherches, on doit s’assurer de répondre aux besoins et de concevoir des solutions co-construites et approuvées par les utilisateurs finaux », commente Franck Lecoq, chargé de projet BioStar au Cirad. Propos confirmés par Magloire Sacla Aïde, chargé de projets Énergie au sein de l'ONG Nitidae : « un des points forts du projet BioStar réside selon moi dans sa capacité à fédérer et faire collaborer chercheurs, ONG, PME et équipementiers, dans la mise en place de solutions innovantes, en réponse aux réalités du terrain ». Partenaire du projet BioStar, Nitidae s’attache à offrir une expertise technique aux entreprises agroalimentaires pour améliorer la performance des chaînes de valeurs agricoles, tout en atténuant leurs impacts sur l’environnement et en stimulant le développement économique local en lien avec les organisations de producteurs.
Maintenance et fabrication locale des futurs équipements
En quinze jours de missions, les chercheurs ont effectué des essais avec le personnel de la PME ainsi qu’avec des constructeurs et équipementiers locaux pour une prise en main de l’équipement. Les participants ont montré un réel intérêt pour la technologie, plus propre, économe en énergie et qui produit des mangues séchées haut de gamme. L’appropriation a été complète, puisque l’équipement est actuellement utilisé par l’entreprise, sans appui externe, tandis qu’un nouvel équipement de plus grande taille est en cours d’élaboration.
Suite à cette réussite, un séchoir similaire devrait être installé dans une autre entreprise burkinabée, l’association Paoline. AgroBurkina a demandé la construction d’un équipement deux fois plus grand pour la prochaine campagne de transformation de la mangue. Des travaux identiques seront aussi conduits dans les PME pilotes sénégalaises. Pour ces nouvelles installations, l’objectif est une fabrication entièrement locale.
« Pour l’instant, nous avons réussi un pari technologique, estime Joël Blin. L’ambition se tourne désormais sur la confirmation de la viabilité économique de l’équipement, qui va dépendre des coûts de fabrication en local. On doit également s’assurer que la maintenance sera facile pour les PMEs. » Le Burkina Faso peut pour cela compter sur un réseau solide d’équipementiers et de constructeurs.
Le projet BioStar, coordonné par le Cirad et financé par l'Union Européenne et l'Agence Française de Développement dans le cadre du programme DeSIRA, regroupe :
- 5 instituts de recherche et de formation nationaux d’Afrique de l’ouest (2iE, IRSAT, Université Thomas Sankara, ISRA/Bame, Université Gaston Berger)
- 3 institutions de recherche européennes (Université Catholique de Louvain, Institut d'ingénierie agricole de l'Université de Hohenheim, Université Roma III)
- 1 ONG (Nitidae)