Plaidoyer 10 avril 2024
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Ambition sorgho : renforcer les coopérations Nord-Sud
Céréale capable de résister à des épisodes climatiques très secs, le sorgho s’impose aujourd’hui comme une plante aux atouts majeurs. Quatre ans après la toute première conférence internationale sur le sorgho, cette deuxième édition a été l’occasion de balayer un large spectre des connaissances et pratiques scientifiques et industrielles.
Jean-François Rami, sélectionneur sorgho au Cirad, a été l’un des chefs d’orchestre de l’organisation de la conférence* : « Ces évènements sont des moments charnière, qui dressent un bilan des avancées et dessinent des horizons de recherche. Les échanges entre les disciplines, les secteurs et les terrains foisonnent et apportent des points de vue complémentaires. Recherche fondamentale, appliquée, économie, culture… toutes les thématiques y passent. »
À chaque pays ses moyens et ses ambitions
Au Nord, certains pays s’intéressent d’abord à l’intensification agricole via la monoculture, l’optimisation de la fertilisation chimique ou la mobilisation de produits phytosanitaires. D’autres au contraire considèrent le sorgho comme un vecteur d’adaptation au changement climatique, et visent une meilleure résilience de leurs systèmes de production.
En Europe par exemple, de plus en plus d’agriculteurs incluent du sorgho dans leurs systèmes de rotation des cultures. Cela leur permet à la fois de mieux faire face aux sécheresses et températures extrêmes, dont les fréquences augmentent, mais aussi de répondre à des marchés en pleine diversification.
Pour de nombreux pays au Sud, le sorgho constitue en premier lieu une réponse aux problèmes de sécurité alimentaire. La céréale, d’origine africaine, est un aliment de base de plus de 300 millions de ruraux des régions semi-arides. Le sorgho est notamment très présent dans la zone soudano-sahélienne.
Si les contextes et les ambitions varient, les leviers pour contribuer au développement de cette culture dans les différentes zones cibles sont souvent similaires. Comme l’explique David Pot, généticien et correspondant de la filière sorgho au Cirad, « au Nord comme au Sud, les enjeux tournent autour de deux grandes questions. On a d’abord les problématiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, qui se font de plus en plus urgentes. Le second axe concerne la structuration des marchés à base de sorgho, que ce soit pour l’alimentation humaine, animale, ou la valorisation de produits non alimentaires. Ces deux enjeux sont communs, d’où l’intérêt d’accélérer les échanges entre les terrains ».
Assumer une position d’intermédiaire entre les partenaires du Sud et du Nord
« Au Cirad, les partenaires africains avec lesquels nous travaillons étudient le sorgho depuis des années. Ils ont une expertise historique très poussée de cette culture, que ce soit en termes de développement de variétés, d’optimisation des systèmes de cultures, ou encore de processus de transformation pour l’alimentation, détaille David Pot. Les partenaires du Nord, quant à eux, développent plutôt des compétences autour de la génomique au service de la sélection variétale. Ce type de travaux intègre souvent différentes disciplines qui permettent de mieux prendre en compte les besoins des transformateurs ou des consommateurs au sein des programmes de sélection. Dans ce contexte, l’un des objectifs du Cirad est de créer des synergies entre ces expertises. »
Le chercheur s’attarde sur le poids scientifique des partenaires d’Afrique de l’Ouest. En croisant des variétés élites locales et d’autres variétés représentant la diversité mondiale de la céréale, leurs travaux ont mis au jour des populations de sorgho extrêmement utiles à la compréhension génétique de la plante. Des informations cruciales tant pour des contextes Sud que pour des contextes Nord.
Ces analyses ont en outre bénéficié d’outils développés en collaboration entre le Nord et le Sud. Ces exemples de synergies sont légion dans toutes les disciplines mobilisées au service de la production et de la transformation du sorgho. David Pot complète : « L’objectif pour nous, Cirad, est d’assurer un échange gagnant-gagnant. On essaie de faire en sorte que ces résultats soient obtenus toujours plus rapidement, et qu’ils alimentent ensuite au mieux les différents systèmes de production. »
En juin, la participation du continent africain à la conférence sorgho a été soutenue par le consortium organisateur ainsi que par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Quelques 80 partenaires africains ont pu représenter leurs travaux, accentuant la dimension internationale de l’événement. « Au-delà des liens entre les instituts de recherche du Nord et du Sud, on espère participer à renforcer l’implication des producteurs, des transformateurs et des consommateurs. Pour que nos résultats de recherche s’alignent avec les attentes des sociétés, on a besoin de leur engagement », relève Jean-François Rami.
Au-delà de l’amélioration variétale, diversifier les cultures
Face au maïs, blé ou riz, qui sont les trois céréales majeures au niveau mondial, le sorgho accuse un retard en termes d’amélioration variétale. Sa productivité et ses atouts pour contribuer au portefeuille d’adaptation et d’atténuation des systèmes de culture au changement climatique peuvent être encore largement améliorées, au travers des efforts de génétique et de sélection. Les sélectionneurs de tous les pays redoublent actuellement d’efforts pour rattraper ce retard, en témoigne la large part donnée aux travaux de génétique et de sélection lors de la conférence internationale de juin.
L’Union européenne finance par exemple le projet ABEE, qui vise à moderniser les programmes de sélection variétale de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Les premières cultures à bénéficier de ces efforts sont le sorgho, le mil, le fonio, le niébé et l’arachide. Le Cirad intervient au sein du projet ABEE en appui aux partenaires scientifiques africains et partage ainsi son expertise sur l’optimisation des programmes de sélection.
Ces nouveaux programmes offrent une place de plus en plus importante aux agriculteurs, aux transformateurs et aux consommateurs. En effet, « si certaines variétés sont performantes sur le plan agronomique, elles ne conviennent pas forcément aux goûts, ou tout bêtement aux modes de préparation locale, précise David Pot. L’objectif est donc de mieux prendre en compte les attentes des producteurs, des transformateurs et des consommateurs. On les implique ainsi en amont de la mise en place des programmes de sélection, mais aussi tout au long du processus de développement de variétés ».
Les scientifiques ne s’arrêtent pas là : au-delà des améliorations à l’échelle de la plante, les travaux du Cirad se penchent aussi sur l’optimisation des systèmes de cultures. Association avec des légumineuses, rotations des cultures, agroforesterie, etc. En Afrique, ces pratiques agroécologiques, basées sur la biodiversité et la santé des sols, sont déjà bien ancrées.
« Ce sont des « systèmes de cultures diversifiés ». Ils sont beaucoup plus résilients face aux aléas climatiques, mais gagneraient à être optimisés en termes de production. » Pour David Pot, l’intégration des questions de sélection variétale à celles de l’optimisation des systèmes de cultures constitue un des futurs axes de recherche stratégiques pour la filière sorgho au Cirad. « Nous avons tous les atouts pour concrétiser cette ambition. Cela demandera d’avantage d’échanges entre disciplines et terrains, avec nos partenaires institutionnels et avec la société civile. »
* Cette deuxième conférence mondiale sur le sorgho, qui s’est tenue à Montpellier du 5 au 9 juin 2023, a été organisée par le Cirad, en partenariat avec la Collaboration mondiale sur le sorgho et le millet de Kansas State University, Sorghum ID, l'IRD et le Centre d’étude pour l’amélioration de l’adaptation à la sécheresse (CERAAS).