Science en action 6 mai 2024
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Légumineuses | Un foodtruck pour la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest
En Afrique de l’Ouest, l’urbanisation croissante s’accompagne de changements des modes de consommation alimentaire. C’est dans ce contexte que des équipes de recherche mènent des projets de soutien et de développement des légumineuses locales reconnues pour contribuer aux apports nutritionnels recommandés (protéines, fibres, vitamine B9, minéraux…).
Le niébé, un haricot allié de la sécurité alimentaire
Au Bénin, par exemple, le niébé est une légumineuse largement cultivée. Des plats de niébé, comme l’abobo (ragout) et les ata (beignets), sont emblématiques et contribuent à la sécurité alimentaire du pays.
La transformation du niébé à Cotonou…
À Cotonou, près de 60 tonnes de niébé sont transformées chaque semaine. Cette activité artisanale implique quelque 4 500 emplois. Parmi eux, on compte près de 2 700 artisanes qui transforment, cuisinent et vendent des ata dans la rue. Présentes dans presque tous les quartiers de la ville, elles approvisionnent quotidiennement les consommateurs de Cotonou. Mais ce métier est difficile et peu reconnu par les autorités municipales.
… un métier pénible, dénigré et potentiellement dangereux
Les artisanes trempent les graines de niébé avant de les décortiquer à la main. Le niébé est ensuite moulu par des meuniers de quartier. Avec la farine obtenue, les artisanes fabriquent leur pâte à beignets qui sera cuite dans l’huile. Les ata sont souvent accompagnés d’autres produits frits, mais nécessitant moins de transformations préalables : igname, patate douce…
Toutes ces étapes pour arriver aux beignets de niébé sont pénibles. Et celle de la cuisson est même carrément dangereuse à cause de la chaleur dégagée et de la toxicité des fumées.
La multiplication de ces difficultés rend le métier peu attractif pour les jeunes. D’autant que ces vendeuses de rue manquent de reconnaissance institutionnelle, notamment auprès de la municipalité qui considère que ces points de vente donnent une mauvaise image de la ville.
Pour Florian Yvanez, ingénieur en génie des procédés alimentaires au Cirad, « le niébétruck est une véritable innovation pour ces artisanes qui sont confrontées au quotidien à des difficultés de transformation et de vente ».
Un foodtruck pensé et développé au travers de 3 projets
L’idée d’une unité mobile de transformation‑vente de niébé est née dans le cadre du projet Icowpea. L’objectif était de faire face aux défis de la région et à la réalité de terrain.
Les scientifiques du projet ont mené des études préalables concernant l’identification et la compréhension des processus existants (caractérisation du réseau d’artisanes transformatrices, modèles de consommation, produits et procédés de transformation). La diffusion se concrétise aujourd’hui au travers des projets Propulse et LegAE.
« Durant le processus de développement du niébétruck, les artisanes transformatrices se sont largement mobilisées, car elle y voit de nettes améliorations de leurs conditions de travail, de l’image de leur activité et de l’intérêt des pouvoirs publics, témoigne Yann Eméric Madodé, professeur associé au Laboratoire des sciences alimentaires de l’Université d’Abomey-Calavi. Les artisanes ont nourri l’envie de l’obtenir rapidement et de se démarquer dans leur activité, comme de véritables entrepreneures ».
Garder ces artisanes en milieu urbain par l’introduction des niébétruck, c’est une manière novatrice de maintenir le niébé dans le menu de la jeune génération, une contribution à la sauvegarde du patrimoine culturel du Bénin.
Une ingénierie participative
Pour la conception globale du foodtruck, une plateforme participative d’innovation appelée « Aïdoté » a été mise en place. Elle réunit les transformatrices de niébé, dont le réseau et l'intégration dans la plateforme sont coordonnés par le LARES (Laboratoire d'analyse régionale et d'expertise sociale). Cette plateforme intègre aussi des PME et équipementiers locaux et les scientifiques du Bénin et de France qui participent au projet.
Suite à une première version de l’unité, les artisanes ont recensé points forts, critiques et attendus. Puis au grès des tests, elles ont évalué les améliorations et adaptations.
« Nous nous sommes basés sur les retours des artisanes pour formaliser un cahier des charges fonctionnel, se souvient Michel Rivier, chercheur au Cirad. Les plans ont ensuite été faits au Cirad et après plusieurs réunions de travail pour valider les solutions techniques, un dossier de fabrication a été transmis à l’équipementier béninois, la société Atingan ».
La nouvelle version, beaucoup plus compacte, intègre un foyer à haute efficacité et à combustion de coques de noix de palmiste carbonisé, soit une bioénergie renouvelable.
« Suite à l’adoption de l’unité au cours des tests, la prochaine étape est sa mise en œuvre en conditions réelles de production. Ceci permettra d’identifier de nouvelles opportunités d’amélioration afin de valoriser au mieux ce secteur d’activité économique majeur », précise Florian Yvanez.
Ces unités sont en cours de fabrication pour diffusion et appropriation auprès des artisanes. Un exemplaire est prévu spécifiquement pour la production du plat Abobo.
Le niébétruck est doté d’un point d’eau avec évier, d’une vitrine d’exposition des produits, et d’un foyer à haute efficacité qui utilise des coques de noix de palmiste comme combustible. La puissance du foyer est réglable grâce à un petit ventilateur alimenté par une batterie chargée par un panneau solaire positionné au sommet du dispositif et qui fait aussi office de protection pour le soleil.
Pour Yann Eméric Madodé, « garder ces artisanes en milieu urbain par l’introduction des niébétruck, c’est une manière novatrice de maintenir le niébé dans le menu de la jeune génération, une contribution à la sauvegarde du patrimoine culturel du Bénin ».