Pour des agricultures familiales portées par les pratiques agroécologiques

Elles assurent les moyens d’existence de plus de 600 millions de ménages. Elles fournissent 80 % de l’ensemble de la nourriture produite sur la planète. Les agricultures familiales sont souvent réduites à des agricultures de petite taille, de subsistance, en opposition à une agriculture moderne, performante, à visée commerciale. Or, il n’en est rien. Elles jouent au contraire un rôle primordial dans la sécurité alimentaire mondiale en tant que forme de production agricole majoritaire à l’échelle de la planète.

En raisonnant « famille » avant tout critère économique, elles sont capables de gérer les aléas économiques et climatiques, y compris au détriment parfois de leur revenu, pour préserver leur outil de production. Elles peuvent aussi développer des mécanismes de résilience pour préserver leur environnement en mobilisant leurs savoirs locaux. Elles disposent en effet d’une large connaissance de la diversité des ressources naturelles à disposition, et les valorisent dans les processus de production. Elles sont ainsi pourvues d’une souplesse et d’un potentiel de résilience et d’innovation inégalés. Sur la base de ces critères, les principes de l’agriculture familiale entrent parfaitement en résonnance avec ceux de l’agroécologie.

Agriculture familiale et agroécologie constituent en outre des modes de production, intensifs en travail et en savoirs, qui ont le potentiel de fournir du travail et des emplois agricoles à un plus grand nombre d’actifs que les modèles conventionnels. Cet argument place la synergie de ces deux systèmes en première ligne en Afrique Subsaharienne, où près de 600 millions de jeunes Africains arriveront sur le marché du travail d’ici 2040 dont plus de la moitié vivra en zone rurale.

L’agriculture familiale devrait constituer enfin une cible de choix pour les politiques publiques, ce qui suppose de mieux les identifier dans les statistiques agricoles. Le ciblage est un levier essentiel de l’efficacité des politiques publiques.  Par exemple, la révolution agricole en France au tournant des années 1960 a reposé sur les exploitations agricoles de taille moyenne. Les agricultures familiales ont aussi déjà bénéficié au Brésil, au début des années 2000 et avec succès, de politiques ciblées avec l’organisation d’achats publics qui leur était réservée, notamment pour les cantines scolaires, l’armée, etc. Un tel ciblage pourrait ainsi tout à fait concerner des mesures d’encouragement dédiées associant agriculture familiale et agroécologie.

Ce rapprochement entre agricultures familiales et agroécologie est un défi à relever, à la fois pour nos communautés de recherche et pour nos partenaires de développement. Pour que les qualités des agricultures familiales puissent s’exprimer pleinement, en cohérence avec celles de l’agroécologie, nous avons besoin d’un projet de société, relayé et porté par les organisations agricoles, l’ensemble de la société civile, un nombre critique d’élus et des politiques publiques volontaristes.