Science en action 6 mai 2024
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Certifier la durabilité de tout un territoire : le pari d’une commune brésilienne
A Paragominas, ce n’est pas un produit agricole ni un groupement de producteurs que l’on souhaite certifier, mais bien l’ensemble du territoire municipal et sa trajectoire de développement. Construit de manière collaborative avec les populations locales, ce type de certification complètement novateur garantit transparence et sécurité pour les investisseurs, comme pour les autorités publiques.
L’initiative est soutenue par le projet régional TerrAmaz, qui vise à lutter contre la déforestation en Amazonie en accompagnant les transitions vers des modes durables de développement. Financé par l’Agence française de développement et coordonné par le Cirad, TerrAmaz déploie ses activités sur cinq terrains amazoniens au Brésil, en Colombie, en Equateur et au Pérou.
Modernisation de la gestion des données
Tout système de certification repose d’abord sur des critères partagés et un système d’information solide. A Paragominas, les partenaires de TerrAmaz développent ainsi une architecture informatique qui permet à la municipalité de collecter et gérer l’ensemble des données.
Cartographies innovantes des sols, des forêts, des rivières, caractéristiques des fermes, activités des institutions … La commune est passée au peigne fin pour accompagner les dynamiques environnementales, économiques, sociales, et attester des progrès réalisés. Le système permet de mettre en avant les facteurs clés spécifiques à ce territoire. Par exemple, le rôle des arbres le long des cours d’eau : leurs racines luttent contre l’érosion et améliorent la qualité de l’eau, ce qui soulage les procédés de décantation et filtration pour la distribution d’eau potable en ville.
Des indicateurs de durabilité établis avec la population
La certification territoriale de Paragominas se veut participative : les populations ont été consultées pour dresser les objectifs de durabilité, les indicateurs et les moyens de vérification les mieux adaptés aux besoins de tous.
Pour les autorités publiques de la commune, la participation de la société civile est une évidence autant qu’une nécessité. Elle assure en effet l’implication de la population dans la mise en œuvre et la pérennisation, tout en valorisant l’action publique : c’est un système gagnant - gagnant. C’est aussi le meilleur moyen pour s’entendre collectivement sur les points forts, les limites et les contraintes du territoire.
Transparence complète grâce à un service en ligne gratuit
Investisseurs, citoyens, entreprises, décideurs publics : tous ont fait part de leur besoin de transparence en matière de certification. Afin d’y répondre, les partenaires du projet TerrAmaz ont imaginé une plateforme en ligne pour communiquer les progrès de Paragominas. Accessible librement, cette dernière offrira aux internautes un service de cartographie et de consultation qui permet de suivre l’évolution de chaque indicateur. IMAFLORA, un organisme de certification brésilien, contribue au projet en testant un premier pilote de ce système de certification, qui attestera de manière indépendante les progrès réalisés sur l’ensemble du territoire.
La certification territoriale de Paragominas pourra servir d’exemple à d’autres territoires amazoniens, estime René Poccard-Chapuis, géographe au Cirad et coordinateur du site TerrAmaz pour Paragominas. « L’Amazonie dans son ensemble souffre d’une image dégradée, qui freine les investissements dans tous les territoires, même ceux qui ne déforestent plus et se sont engagés dans une transition vers un développement durable. Ce n’est pourtant qu’en investissant que l’on peut consolider ces transitions. Il est donc crucial de drainer des investissements responsables vers ces territoires méritants, pour y accélérer les progrès et montrer le chemin à tous. »
L’approche novatrice que représente la certification territoriale sera discutée lors des dialogues amazoniens, qui auront lieu en amont du sommet de l’Amazonie. Au cours de cet événement, qui se tiendra début août à Belém, les représentants des gouvernements de l’ensemble des pays amazoniens se réuniront pour prendre des décisions stratégiques sur l’avenir de cette région. Marie-Gabrielle Piketty, économiste au Cirad et directrice du projet Terramaz, suivra de près les négociations. « Il est fondamental, pour guider les politiques publiques et les investissements responsables en Amazonie, d’être capable de distinguer les territoires qui avancent au-delà de la réduction de la déforestation et se dirigent vers des objectifs plus ambitieux de développement durable », affirme la scientifique.