Bûches de teck dans une scierie traditionnelle (Bali, Indonésie). A. Rival © Cirad

Ressources forestières

Les forêts couvrent près du tiers des surfaces émergées de la planète, dont la moitié, deux milliards d'hectares, se situent en région tropicale. Les forêts, naturelles comme plantées, ont un impact social, économique et écologique majeur tant au niveau global pour la planète qu’aux niveaux nationaux et locaux pour les Etats, les entreprises et les populations. Le Cirad fournit les bases scientifiques nécessaires pour gérer durablement les écosystèmes forestiers, naturels ou plantés, de régions humides comme de régions plus sèches, afin de renforcer leur contribution au développement des pays et des populations du Sud.

Les forêts tropicales regroupent toutes les zones boisées situées entre les tropiques du Cancer et du Capricorne. Elles couvrent environ 35 % des terres émergées intertropicales et représentent presque la moitié des forêts du monde. Les principaux massifs sont l’Amazonie, la forêt du bassin du Congo et celle d’Asie du Sud-Est.

Combien faut-il d’arbres pour faire une forêt ?

Un tali (Erythrophleum suaveolens), nord du Congo © S. Gourlet-Fleury/Cirad

Un tali (Erythrophleum suaveolens), nord du Congo © S. Gourlet-Fleury/Cirad

Qu’appelle-t-on exactement forêt ? Combien d’arbres, quelle surface, quelle densité d’arbres faut-il pour faire une forêt ? La question est moins anodine qu’il n’y paraît... La définition du terme « forêt » est complexe et sujette à controverses. Ainsi, selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), une forêt est une étendue de terres d’une superficie supérieure à un demi-hectare, avec des arbres d’une hauteur supérieure à 5 mètres et un couvert arboré de plus de 10 %. Mais d’autres institutions utilisent des critères différents, notamment en termes de taux de couverture et de hauteur des arbres.

Quelle surface de forêt dans le monde ?

La définition de la forêt prend également en compte l’usage des terres. Les zones urbaines boisées, les vergers ou les agroforêts sont exclus de la définition de la FAO. Le débat est vif pour décider si les plantations de palmiers à huile en font partie ou non. La définition varie également d’un continent à l’autre. Un exemple marquant est celui de la taïga russe, formée de conifères nains : comptabilisée ou non en forêt, elle peut faire varier la surface forestière mondiale de 20 %.

Forêts primaires, forêts secondaires, plantations forestières

Un parasolier (Musanga cecropioides), Mpelu, Congo © S. Gourlet-Fleury/Cirad

Un parasolier (Musanga cecropioides), Mpelu, Congo © S. Gourlet-Fleury/Cirad

Théoriquement, une forêt primaire est le fruit d’une dynamique naturelle multiséculaire dont l’humain serait exclu. En réalité, la présence de l’homme est attestée de longue date par de nombreux vestiges archéologiques, y compris dans les grands massifs forestiers comme l’Amazonie ou le bassin du Congo. Ces habitants peuvent exploiter le bois ou pratiquer l’agriculture itinérante en défrichant la forêt. Une dynamique forestière naturelle se réinstalle après l’abandon de ces cultures temporaires. Cette nouvelle forêt est constituée d’espèces pionnières à croissance rapide et porte le nom de forêt secondaire. Après plusieurs siècles, sa composition floristique et sa structure redeviennent semblables à celles des forêts primaires. Pour accélérer le retour de la forêt, pour améliorer sa productivité ou recréer un environnement forestier, l’homme plante des arbres. Ces plantations forestières comportant généralement un nombre réduit d’espèces souvent sélectionnées, plus aisées à gérer et plus productives.

 

Les forêts tropicales aux multiples visages

Lorsqu’on pense aux forêts tropicales, la jungle et sa végétation luxuriante nous viennent immédiatement à l’esprit. Mais, au-delà du cliché, les forêts tropicales nous réservent bien des surprises dont la première reste leur extrême diversité. Le terme de « forêt tropicale » désigne, en fait, toutes les zones boisées situées entre les tropiques du Cancer et du Capricorne.

Forêt dense humide, sud-ouest du Cameroun © C. Doumenge/Cirad

Forêt dense humide, sud-ouest du Cameroun © C. Doumenge/Cirad

La forêt dense humide. Les arbres y sont immenses et empêchent la lumière d’arriver au sol. Dans le sous-bois, les jeunes arbres et arbustes sont peu nombreux. Dès qu’un géant de la forêt meurt et tombe, il entraîne d’autres arbres dans sa chute. Une trouée s’ouvre dans laquelle une compétition farouche pour la lumière va commencer. Les forêts humides couvrent près de 1100 millions d’hectares et s’étalent sur une bande variant de 800 à 4000 km autour de l’équateur.

Dense ou claire, la forêt sèche. Il existe deux sortes de forêts sèches : les forêts denses, rares, et les forêts claires, beaucoup plus fréquentes. Les arbres y sont petits, les troncs massifs et courts. Ils dépassent rarement 20 mètres de hauteur. Leur sous-bois contient de nombreux arbustes. Ces forêts sont souvent menacées par des incendies ravageurs. On trouve ces forêts dans les zones avec une période sèche bien marquée. Elles sont situées en Afrique, dans les zones soudano-guinéenne et zambienne, sur la côte ouest de Madagascar, en Inde, dans la péninsule indochinoise et en Amérique tropicale.

Des arbres, les pieds dans l’eau. Les mangroves sont des forêts qui vivent entre eau de mer et eau douce dans la zone de marée. Leurs arbres, dont les fameux palétuviers, ont élaboré diverses stratégies pour gagner du terrain sur l’eau : longues racines qui descendent des branches et s’ancrent dans la vase, germination des fruits sur l’arbre avec une racine en forme de lame de couteau, fruit flottant… Les mangroves sont parmi les écosystèmes les plus productifs en biomasse de notre planète.

Les forêts d’altitude, plus rares. Les forêts de montagne baignent dans les nuages et les troncs sont couverts d’épiphytes : lichens, mousses, broméliacées… La taille des arbres et des feuilles se réduit progressivement et les troncs deviennent de plus en plus tortueux. À mesure que l’altitude augmente, prédominent des arbres à feuilles persistantes, comme les conifères, puis la forêt disparaît au profit de formations herbacées et buissonnantes.

Savane arborée et antilopes, parc national de la Pendjari, Bénin © P. Marnotte/Cirad

Savane arborée et antilopes, parc national de la Pendjari, Bénin © P. Marnotte/Cirad

Les savanes arborées. Les savanes ne sont pas des forêts, puisqu’elles sont essentiellement constituées d’herbes. Cependant, elles peuvent accueillir des arbres ou des arbustes.

On parle alors de savanes arborées ou arbustives, parfois difficilement distinguables de certaines forêts claires, comme le « cerradão » brésilien.

La forêt aux mille ressources

Chasse et cueillette sont les formes les plus anciennes d’utilisation de la forêt tropicale. Bien après, la forêt est devenue une réserve de terres agricoles pour la culture itinérante sur brûlis. La pratique du pâturage et de l’élevage du bétail s’est également développée dans les forêts sèches et les savanes arborées.

La forêt tropicale fournit encore aux populations du gibier, des fruits, des résines, des fibres, du fourrage, des médicaments, des colorants… et bien évidemment du bois.

Commercialisation du charbon de bois, Madagascar © P. Montagne/Cirad

Commercialisation du charbon de bois, Madagascar  © P. Montagne/Cirad

Le bois-énergie. Dans les grandes villes d’Afrique tropicale comme Kinshasa, Niamey ou Ouagadougou, le bois est d’abord une ressource énergétique, utilisée pour cuire les aliments. Il provient essentiellement de plantations villageoises traditionnelles.

Aujourd’hui, de grands groupes sidérurgiques utilisent du charbon de bois à la place du charbon fossile, ils investissent dans des plantations d’eucalyptus, notamment au Brésil.

Le bois d’œuvre. Le bois d’œuvre provient encore principalement des forêts naturelles, mais également d’espèces plantées comme les pins tropicaux, les tecks, les eucalyptus et les acajous.

Beaucoup de bois tropicaux ont une valeur élevée pour la construction de charpentes, de meubles ou de parquets, et font l’objet d’un commerce international.

Cerclage des fardeaux d’eucalyptus, Congo © D. Louppe/Cirad

Cerclage des fardeaux d’eucalyptus, Congo © D. Louppe/Cirad

La pâte à papier. La pâte à papier est le principal débouché des plantations forestières, car les industriels ont besoin d’un produit calibré, aux propriétés homogènes. 30 % de la pâte à papier mondiale provient des plantations d’eucalyptus.

La consommation annuelle de papier et de carton est d’environ 60 kg par habitant dans le monde, 170 kg en France. Elle augmente d’environ 3 % par an. Il serait impossible de la satisfaire en utilisant uniquement les forêts naturelles.

New forest productions: essential oils, Madagascar © P. Montagne/CIRAD

Des productions forestières nouvelles : les huiles essentielles, Madagascar © P. Montagne/Cirad

Des fruits, des feuilles et des branches… Toutes les parties des arbres sont utiles. Les fines branches sont utilisées en vannerie. Les feuilles sont mangées en légumes ou utilisées comme condiment dans les sauces, comme celles du baobab, riches en calcium. Quand l’herbe manque en fin de saison sèche, les feuilles de nombreux arbres et les gousses, comme celles du faidherbia, complètent l’alimentation du bétail. Les écorces servent à fabriquer cordes et tissus, et entrent souvent dans la composition de médicaments. La sève de boswellia fournit l’encens, celle de certains acacias, la gomme arabique, et celle de l’hévéa du latex, qui peut être transformé en caoutchouc. Le fruit de vitellaria donne le beurre de karité, connu pour ses vertus alimentaires et cosmétiques. La noix de cola a des effets toniques. La liste est longue…

La forêt qui soigne. 40 % à 70 % des médicaments actuels sont issus ou synthétisés à partir de substances naturelles, dont beaucoup proviennent des forêts tropicales. En Amazonie, les graines de l’andiroba (Carapa guianensis) renferment une huile aux propriétés antimoustiques et cicatrisantes ; le tronc de la copaiba (Copaifera reticulata) contient une oléorésine puissamment cicatrisante, aux propriétés antiseptiques et anti-inflammatoires.

Les inestimables services des forêts

La forêt ne fournit pas que du bois, des fruits, de la viande de brousse ou des médicaments. Elle apporte aussi d’autres bénéfices, moins visibles, mais qui participent au bien-être général des humains : ce sont les services environnementaux.

Les arbres capturent du carbone atmosphérique et protègent les sols, deux services essentiels pour faire face au changement climatique © B. Locatelli/Cirad

Les arbres capturent du carbone atmosphérique et protègent les sols, deux services essentiels pour faire face au changement climatique © B. Locatelli/Cirad

Une foule de services, au niveau local. Les racines de certains arbres vivent en symbiose avec des bactéries qui améliorent la fertilité du sol. Elles favorisent l’infiltration d’eau de pluie qui recharge ainsi les nappes phréatiques et limite l’érosion et les glissements de terrain. En brisant les vagues, les mangroves et les forêts littorales tropicales protègent les populations lors des tempêtes. En retenant l’humidité, les forêts régulent le climat localement. Par exemple, si l’Amazonie disparaissait, le climat du continent sud-américain connaîtrait des changements majeurs avec de longues périodes de sécheresse. Ces services sont encore mal connus, et d’autres peuvent être répertoriés à l’avenir. Les forêts jouent également un rôle important dans l’agrément des paysages et dans le maintien de la biodiversité animale et végétale.

Des services à l’échelle globale. Grâce à la photosynthèse, les feuilles des arbres libèrent l’oxygène indispensable à toute vie sur terre, mais surtout, elles captent et stockent le carbone atmosphérique dans les différentes parties de l’arbre. Pour produire un mètre cube de bois, un arbre transforme une tonne de gaz carbonique et participe ainsi à l’atténuation du changement climatique. La séquestration du carbone est reconnue comme un service environnemental.

Propriété sous paiement pour services environnementaux, Costa Rica © B. Locatelli/Cirad

Propriété sous paiement pour services environnementaux, Costa Rica © B. Locatelli/Cirad

Les paiements pour services environnementaux. Les paiements pour services environnementaux existent depuis longtemps, mais leur mondialisation est récente. Le principe est le suivant : les bénéficiaires des services environnementaux payent les propriétaires ou les usagers locaux s’ils adoptent des pratiques qui préservent ou qui restaurent l’écosystème. Par exemple, une collectivité finance un boisement en amont pour éviter l’érosion en aval. Le contrat porte soit sur une surface, qui peut être une aire protégée, soit sur un produit, où le consommateur paye une prime « verte » pour un bien produit selon des normes environnementales, soit encore sur des restrictions d’usage, par exemple l’interdiction de la chasse aux grands singes. Si le principe de ces paiements est simple, leur mise en œuvre est beaucoup plus complexe. Dans le cas des gorilles, combien faut-il payer pour leur protection et celle de leur habitat ? Est-ce la valeur du kilo de viande sur le marché ? La valeur des arbres que l’on aurait pu vendre en abattant la forêt ? Celle des circuits touristiques que l’on pourrait organiser ? Ou bien la somme de tout cela ? Et qui doit payer. Les entreprises, les consommateurs ou l’ensemble de la société ?

Le bois, un écomatériau renouvelable

Des madriers en bois de damar extraits des agroforêts sont descendus par flottage puis transportés par camion vers les scieries, Indonésie. (© H. De Foresta/Cirad)

Des madriers en bois de damar extraits des agroforêts Indonésie. © H. De Foresta/Cirad

Quel est l’intérêt d’utiliser du bois comme matériau de construction ? Le matériau bois est peu gourmand en énergie « grise », qui est la somme des énergies nécessaires à sa production, à sa fabrication, à son utilisation et enfin à son recyclage en fin de vie. Il consomme 4 fois moins d’énergie que le béton, 200 fois moins que l’aluminium, et jusqu’à 4 000 fois moins que la fibre de carbone. De plus, les produits de traitement du bois, de collage ou ceux utilisés pour la finition sont de plus en plus respectueux de l’environnement. L’arbre, en poussant, accumule également le carbone de l’atmosphère dans le bois. Lorsque le bois est transformé en matériau, il conserve pendant de nombreuses années le carbone qu’il a piégé, alors que s’il est brûlé, il relâche ce même carbone dans l’atmosphère.

De l’importance de mieux connaître les bois tropicaux. Il est capital de bien connaître les essences tropicales et leurs propriétés pour réaliser des produits en bois performants et adaptés aux besoins. Les bois tropicaux possèdent souvent une durabilité naturelle. Leur étude permet d’identifier les composés chimiques à l’origine de cette incroyable résistance aux agressions. De plus, les populations qui exploitent les forêts naturelles pour leur bois ont tout intérêt à diversifier les essences commercialisées grâce à des espèces peu utilisées. D’une part pour optimiser la valorisation des surfaces exploitées en tirant le meilleur parti des essences jusqu’à présent délaissées telles que le monghinza, le niové, ou encore l’okan, d’autre part, pour limiter la pression sur les essences phares telles que le sapelli, l’ayous ou l’iroko.

Le bois sous toutes ses couleurs. Matière première d’une infinité d’objets, des archets aux charpentes, les essences tropicales sont employées dans tous les domaines de l’activité humaine.

Plantation de tecks © G. Chaix/CIRAD

 Plantation de tecks © G. Chaix/CIRAD

Le teck contient des composés phénoliques qui le rendent extrêmement résistant aux champignons et aux termites. Pour cette raison, ainsi que pour ses qualités esthétiques, la demande mondiale ne cesse d’augmenter. Originaire de la région indo-birmane, il a été surexploité dans son milieu naturel. Il provient aujourd’hui de 3 à 4 millions d’hectares de plantations situées dans toutes les zones tropicales, principalement en Asie. Les variétés sélectionnées peuvent être coupées au bout de 15 à 20 ans dans de bonnes conditions de croissance, mais dès 10 ans il est possible de valoriser les bois d’éclaircie. Le bois de teck certifié garantit que l’arbre est issu d’une forêt gérée de façon durable.

L’azobé est un bois très lourd, qui ne flotte pas. Il est utilisé dans les travaux hydrauliques et pour les traverses, grâce à sa grande résistance, en particulier aux tarets, des mollusques bivalves qui s’attaquent aux bois immergés. On le rencontre en Afrique de l’Ouest et du Centre.

Ebène (Diospyros crassifolia), Congo © D. Louppe/Cirad

Ebène (Diospyros crassifolia), Congo © D. Louppe/Cirad

Les ébènes, dont les teintes évoluent du noir le plus uniforme aux bruns foncés, sont utilisées en placages, notamment pour les instruments de musique de luxe. On lui doit le mot « ébéniste ». Ils sont présents dans toutes les zones tropicales.

L’amarante est un bois luxueux, à la couleur violacée, très prisé en ébénisterie. On le trouve en Amérique du Sud tropicale.

Le cedro dégage une odeur forte et agréable, c’est le bois des boîtes à cigares. Il provient d’Amérique latine et de la Caraïbe.

L’amourette, un bois brun-rouge violacé aux nombreuses taches foncées, sert à la fabrication des archets. Il est originaire d’Amérique latine.

Le tali est un bois lourd, dur et très résistant. Il a longtemps été employé en Europe, avant le béton, pour les traverses de chemin de fer et il l’est encore en Afrique. Il provient de la région Guinée-Congo.