Résultats & impact 16 avril 2024
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Coronavirus | Cibler la surveillance pour une détection précoce
En Asie du Sud-Est, on sait qu’un large spectre de coronavirus (CoV) circule dans les populations de chauves-souris. Deux des quatre genres connus de coronavirus ont été détectés dans un large éventail d’espèces au Cambodge, en Chine, au Laos, aux Philippines, à Taiwan et en Thaïlande. Il a été démontré que ces deux genres (Alphacoronavirus et Betacoronavirus) infectent aussi bien les animaux que les humains.
Avec leurs partenaires, Julien Cappelle et Véronique Chevalier, scientifiques au Cirad, ont cherché dans quelle mesure une surveillance ciblée des coronavirus dans les populations de chauves-souris peut contribuer à développer des systèmes d’alerte précoce à des fins de santé publique.
L’étude a été démarrée avant la propagation mondiale de la COVID-19. Ses résultats prennent une tournure particulière à la lumière des répercussions sanitaires et économiques massives de la pandémie. Entre 2014 et 2016 au Cambodge, les scientifiques ont identifié les virus potentiellement zoonotiques chez les chauves-souris et leurs schémas de circulation typiques. Un objectif spécifique était de tester le lien entre l’âge et le statut CoV des chauves-souris.
Des chauves-souris « immunologiquement naïves »
Chez certaines espèces de chiroptères, on pense que les juvéniles jouent un rôle important dans la circulation des coronavirus, en raison de la nature synchronisée de la reproduction. La prolifération simultanée d’un grand nombre de jeunes chauves-souris, toutes « immunologiquement naïves » - trop jeunes pour avoir été exposées à l’infection et acquérir une protection - peut entraîner une circulation accrue du coronavirus en question.
Pour tester cette hypothèse, les scientifiques ont organisé des captures et des échantillonnages mensuels de 1036 chauves-souris appartenant à 8 espèces, dans deux provinces du Cambodge. Ils ont ainsi pu évaluer la diversité des CoVs circulant chez les animaux et examiner l’influence du moment de la reproduction sur les niveaux d’infection.
En outre, les auteurs ont synthétisé les connaissances existantes sur le cycle de reproduction du Rhinolophus et d’autres espèces de chauves-souris ailleurs en Asie du Sud-Est. L’idée est d’élaborer des directives pour les actions de surveillance des coronavirus dans la région. Les chauves-souris du genre Rhinolophus semblent être les vecteurs du SARS-CoV-1 et du SARS-CoV-2, ce dernier étant le virus responsable de la pandémie actuelle de COVID-19.
La recherche de coronavirus chez trois espèces de chauves-souris capturées sur les sites cambodgiens a permis de vérifier l’hypothèse de départ. Les taux de positivité sont significativement plus élevés pour les juvéniles et les individus immatures que pour les adultes. En outre, la prévalence du CoV atteint un pic pendant les mois suivant la naissance des jeunes chauves-souris.
Les chauves-souris « immunologiquement naïves » semblent être plus sensibles au CoV. Il en résulte de fortes augmentations saisonnières dans la circulation du pathogène et la persistance de l’infection.
Cibler la surveillance de juin à novembre
Les auteurs concluent que pour mener une surveillance à long terme du CoV chez les chauves-souris, il parait pertinent de concentrer la surveillance de juin à novembre, période où les juvéniles sont majoritaires dans les populations de chiroptères en Asie du Sud-Est.
« Intégrer écologie et épidémiologie des maladies émergentes est essentiel pour la compréhension des risques zoonotiques, précise Julien Cappelle, premier auteur de la publication et écologue de la santé au Cirad. Associée à des études virologiques, épidémiologiques et socio-économiques mises en œuvre dans une approche One Health, ces travaux enrichissent les stratégies de prévention et de détection précoce visant à atténuer l’impact des zoonoses émergentes ».
L’étude a montré que plusieurs souches circulaient en même temps dans différentes espèces de chauves-souris. Ce phénomène souligne l’importance d’évaluer la diversité des coronavirus présents dans les populations de chiroptères dans une zone donnée, et d’identifier les périodes de pic infectieux augmentant le risque de propagation à l’homme.
Une surveillance ciblée améliore le rapport coût-efficacité et la probabilité de détecter les poussées de CoV pour l’adoption des mesures préventives.