Résultats & impact 23 avril 2024
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À Bornéo, la culture du palmier à huile parie sur l’agroforesterie
« On ne peut pas sauver les orangs-outans en rentrant en conflit avec l’industrie, mais on peut leur donner des chances de survivre dans l’anthropocène », assure Marc Ancrenaz directeur scientifique d’Hutan. Cette ONG participe au projet TRAILS (climaTe Resilient lAndscapes for wIldLife conservation), coordonné par le Cirad et qui vise à rendre la filière palmier à huile plus durable au cœur du bassin du fleuve Kinabatangan.
Dans cette partie malaisienne de Bornéo, les palmiers à huile ont conquis près de 90 % des paysages. Ces cultures font vivre plusieurs millions de personnes en Asie du Sud-Est, mais au prix d’un coût environnemental largement documenté : disparition de la forêt, effondrement de la faune sauvage, pollution des cours d’eau, sensibilité aux épisodes climatiques extrêmes…
L’agroforesterie offre des solutions prometteuses pour rendre la filière plus durable, tout en contribuant au développement socio-économique des communautés. C’est là tout l’enjeu du projet TRAILS qui réunit le Cirad, l’ONG Hutan, l’entreprise Melangking Oil Palm Plantation (MOPP) et l’Université Putra Malaysia. Le projet bénéficie du soutien financier du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, de l’Alliance pour la protection des forêts et de l’entreprise Ferrero.
Retour de la faune sauvage et productivité des palmiers à huile
« Notre approche, basée sur l’introduction d’arbres dans les plantations et la restauration des corridors forestiers, est holistique, expose Marc Ancrenaz, directeur scientifique d’Hutan. En démontrant qu’elle permet d’allier protection des espèces, résilience au changement climatique et augmentation de la productivité, on pourra convaincre de nombreux producteurs ». Dont acte. Les partenaires du projet ont, pendant deux ans, sélectionné des parcelles, identifié et planté 15 essences endémiques pionnières et mis en place des protocoles de recherche en conditions réelles. La collecte de données scientifiques permettra d’évaluer, au fil des ans, tant les dynamiques de recolonisation de la faune sauvage, que la performance des palmiers à huile plantés dans ces nouveaux systèmes agroforestiers. Elle permettra de quantifier les services environnementaux rendus ou encore les impacts socio-économiques de la transition agroécologique en cours.
Appui scientifique à des initiatives locales
Un travail itératif mené en première ligne par les partenaires locaux et accompagné par le Cirad. « On avance ensemble dans la connaissance de ces nouveaux systèmes agroforestiers, en se basant sur les expertises de chacun et en incluant les communautés riveraines », détaille Marcel Djama, anthropologue au Cirad et coordinateur du projet. Avant d’illustrer : « Pour identifier les essences forestières adaptées comme arbres de service, on s’est appuyé sur près de deux décennies d’activités de reforestation de l’ONG Hutan. Les communautés villageoises riveraines de la plantation ont participé aux activités de restauration des écosystèmes dégradés dans et hors de la plantation, telles que la gestion des pépinières ou la conduite des reboisements. »
La logique de développement territorial au cœur de TRAILS s’illustre aussi par la formation et la sensibilisation des bénéficiaires locaux et de jeunes scientifiques aux enjeux de la transition écologique. Les activités de recherche-action sont complétées par un accompagnement technique (utilisation de pièges photographiques pour le suivi de la faune sauvage et des stations météo installées sur la plantation, analyse des sols et des eaux, systèmes d’information géographique), des formations généralistes ou même au marketing digital afin de développer localement des activités d’écotourisme communautaire en lien avec le projet.
Un projet pilote à valeur d’exemple
Un petit projet au grand effet boule de neige. C’est l’ambition des partenaires de TRAILS, qui misent sur « l’intégration rapide des nouveaux itinéraires techniques », comme l’expose Alain Rival, chercheur au Cirad qui coordonne la composante agronomique du projet. « L’entreprise MOPP a une taille idéale pour initier le changement et inspirer d’autres acteurs de la filière. Aujourd’hui, ce ne sont que 24 hectares sur les 8 000 de la plantation, mais ces essais prouveront peut-être demain que, moyennant quelques aménagements, on peut aller vers une culture à la fois rentable, plus vertueuse et capable d’atténuer les effets de crises climatiques aiguës, comme El Niño ».
Si dans l’immédiat le travail porte essentiellement sur la mise en place, le partage et l’intensification des protocoles scientifiques choisis, il récoltera dans les prochaines années les fruits d’une alliance inédite entre acteurs aux intérêts parfois jugés irréconciliables. D’autant que les résultats, co-produits par les autorités malaisiennes, viendront utilement étayer les politiques publiques.