Science en action 4 mars 2024
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ASSET : vers des systèmes alimentaires et agricoles plus durables en Asie du Sud-Est
« Il y aura beaucoup d’échanges entre pays sur les pratiques agricoles et les marchés. Cela permettra au Laos d’avoir du recul sur les défis du développement et les formes que le pays souhaite lui donner, » ambitionne Thatheva Saphangthong, directeur adjoint du département laotien de gestion des terres agricoles (DALaM), à quelques jours du lancement officiel du projet. Du 10 au 12 novembre, une série d’ateliers donnent le top départ du projet ASSET (de l’acronyme anglais, Agroecology and Safe food System Transitions).
Financé par l’Agence française de développement (AFD) et la Commission européenne à hauteur de 12 millions d’euros et orchestré par le Gret, ce programme de grande envergure, dont le Cirad assure la coordination scientifique, réunit, pendant 5 ans, 27 partenaires au Cambodge, Laos, Myanmar et Vietnam. Son objectif : exploiter le potentiel de l’agroécologie pour accompagner la transition des systèmes alimentaires et agricoles du Sud-est asiatique.
Une région contrastée, des enjeux communs
Aujourd’hui dans la région, les systèmes agricoles sont de plus en plus organisés autour de monocultures, intensives et spécialisées, reprenant les principes de la révolution verte : engrais à forte dose, variétés améliorées et OGM pour certaines cultures, insecticides, insémination artificielle… « Cette évolution limite la diversité des systèmes de production et engendre des impacts négatifs sur l’environnement (pollution des aquifères, dégradation des sols, érosion de la biodiversité), expose Mélanie Blanchard, chercheuse spécialiste des systèmes d’élevage au Cirad et l’une des coordinatrices du projet. Les possibilités d’interaction entre composantes du système agricole sont moindres, limitant leur résilience face aux agressions. » Au Laos par exemple subsistent une très grande agrobiodiversité et des techniques agroécologiques traditionnelles vertueuses (agroforesterie, rizipisciculture, cultures associées). Or, « le développement récent de grandes concessions de caoutchouc, eucalyptus et des mines met les agriculteurs dans une situation extrême et menace leurs conditions d’existence, » illustre Thatheva Saphangthong.
Pour faire face à ces enjeux, l’intégration agriculture-élevage, l’agriculture de conservation, sans labour ou sous couvert, la protection agroécologique des cultures et l’agroforesterie constituent autant d’options à mobiliser. Si elles existent en partie dans les quatre pays du projet, elles doivent être réinventées et soutenues afin d’engager une véritable transition agroécologique. « Jusqu’à maintenant, plusieurs projets pilotes à petite échelle ont été menés au Vietnam. Or, il nous manque une stratégie et des politiques plus globales pour promouvoir et mettre en œuvre cette transition, analyse Dao The Anh, vice-président de l’académie vietnamienne des sciences agricoles (VAAS), partenaire du projet. Quand les paysans fournissent des produits agroécologiques, ils ont besoin de marché. Il ne s’agit donc pas seulement d’apporter des techniques, mais d’intervenir tout au long de la chaine de valeur, jusqu’à la reconnaissance de la valeur nutritive de ces produits par les consommateurs. »
De la parcelle aux arènes politiques supranationales
Le projet repose ainsi sur une approche intégrée, opérant sur trois sphères de la transition agroécologique dans les systèmes agricoles et alimentaires. « Technico-économique » d’abord, pour développer et promouvoir des pratiques agricoles et marchandes adéquates et performantes. « Politique », ensuite, pour sensibiliser aux enjeux et avantages d’intégrer les approches agroécologiques dans les politiques publiques. Enfin, une sphère « sociétale » permet de renforcer la demande des citoyens et des consommateurs en produits alimentaires plus durables et plus sûrs. « In fine, il y a un besoin de connaissance des performances de l’agroécologie et de reconnaissance de ses atouts, par les consommateurs, les services d’appui et les autorités » résume Estelle Biénabe, chercheuse spécialiste des marchés et des systèmes alimentaires et coordinatrice scientifique du projet.
Dans chaque pays, un territoire d’intervention est sélectionné. Puis l’ensemble de ses acteurs identifient, via la théorie du changement, les innovations à accompagner : association de cultures entre céréales et légumineuses, mise en culture de fourrage sous les arbres, plante de couverture sous une culture de maïs, utilisation d’auxiliaires des cultures pour limiter le recours aux traitements, système de garantie participative, etc. S’ensuit un accompagnement au niveau des parcelles, des exploitations, mais aussi des fournisseurs de services, des opérateurs en aval des filières, des autorités locales… Ce travail est réalisé par des agronomes et des chercheurs en sciences biologiques et sociales.
Les changements dans la production sont ainsi intégrés aux transformations en aval (mise en marché, gestion de la traçabilité pour une plus grande confiance des consommateurs) et dans l’environnement politique.
Sur la base du travail de terrain, « des analyses permettent de tirer des enseignements généraux : quelles conditions sont favorables à la mise en place d’innovations agroécologiques ? » explique Estelle Bienabe. Grâce aux outils existants de gestion des données, ces informations collectées au niveau local sont croisées avec des indicateurs et statistiques nationaux.
Une feuille de route partagée en faveur de l’agroécologie
Cette gestion des données viendra renforcer ALiSEA - réseau multiacteurs réunissant les ONG, le secteur privé, la recherche, les organisations paysannes autour de l’agroécologie - et ses outils de communication et de partage, afin de les transformer en une véritable plateforme de connaissances. « Celle-ci nous sera très utile pour mutualiser, partager les expériences et réussites, » se félicite Dao The Anh. Outre leur rôle de capitalisation, les connaissances alimenteront également le dialogue politique construit à différentes échelles. Un dialogue qui, une fois porté au niveau régional de l’ASEAN, notamment via l’initiative LICA, devrait conduire à élaborer une feuille de route en faveur de l’agroécologie.
Au cœur de ce projet de recherche-action, les partenaires de trois dispositifs en partenariat (dP) desquels est membre le Cirad (MALICA, ASEA et GREASE) travailleront main dans la main avec les acteurs des quatre pays, pour une agriculture et un environnement plus durables. « On a maintenant du recul sur les risques liés à l’intensification agricole. Veut-on encore se précipiter dans des systèmes dommageables ou ralentir pour faire les choix appropriés ? Il n’y a pas d’approche uniforme du développement agricole et c’est bien là tout l’intérêt de ce projet intersectoriel, » conclut Thatheva Saphangthong.
L'initiative DeSIRA (Development Smart Innovation through Research in Agriculture) a été lancée lors du One Planet Summit de Paris en décembre 2017. Elle est portée par la Direction Coopération internationale et Développement de la Commission européenne (DG Devco) de l’Union européenne et s’articule avec la Fondation Bill & Melinda Gates. Elle vise à booster l'innovation dans l'agriculture et la transformation des systèmes alimentaires des pays partenaires pour les rendre plus résilients aux effets du changement climatique. Elle cherche à renforcer les partenariats de recherche (Europe et Sud), à promouvoir une science en partenariat avec les acteurs de développement, à se préoccuper d’une recherche qui vise l’impact.
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La présente publication a été élaborée avec le soutien financier de l’AFD et de l’Union européenne. Le contenu de la publication relève de la seule responsabilité du Cirad et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de ses partenaires financiers.