Science en action 4 mars 2024
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- La recherche forestière française prend un tournant
Forêts tempérées et forêts tropicales, mêmes combats
FORESTT, pour « Forêts et changements globaux : systèmes socio-écologiques en transition ». C’est le nom du nouveau Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) qui vise à fédérer l’ensemble de la recherche forestière française. Piloté par INRAE, en collaboration avec le Cirad et le CNRS, le PEPR FORESTT durera huit ans et bénéficiera d’un budget de 50 millions d’euros.
« La recherche forestière reste encore très cloisonnée par les différentes disciplines qui la composent. Elle doit donc évoluer vers plus d’interdisciplinarité afin de mieux répondre aux enjeux actuels, notamment face au changement climatique ». Plinio Sist est directeur de l’unité de recherche Forêts et sociétés au Cirad. Lui et Daniel Barthélemy sont les représentants scientifiques du Cirad pour le PEPR FORESTT. Les deux chercheurs sont persuadés de la nécessaire évolution de leur domaine de recherche.
« La forêt est un socio-écosystème, détaille Daniel Barthélemy, expert en biodiversité végétale au Cirad et directeur du pôle "Agriculture, Environnement, Biodiversité" de l’Université de Montpellier. Elle forme des liens directs et indirects avec plusieurs secteurs économiques, comme l’agriculture. Elle rend des services environnementaux cruciaux. Et au-delà de ces aspects économiques et écologiques, les forêts regorgent de symbolisme pour nos sociétés. Un citoyen, une association de protection de la nature et une entreprise forestière, par exemple, vont tous percevoir un territoire forestier de manière différente et parfois opposée. »
Cette complexité, la recherche forestière française l’effleure encore de façon insuffisante. C’est là tout l’enjeu du PEPR FORESTT : structurer une communauté nationale d’environ 1250 scientifiques pour développer des approches interdisciplinaires. L’ambition est bien de faire naître des méthodes de gestion durable capables de faire face aux impacts du changement climatique.
Renforcer les liens entre la gestion des forêts tempérées et tropicales
Avec une moyenne de 200 espèces d’arbres à l’hectare, les forêts tropicales représentent des écosystèmes très diversifiés. Par comparaison, les forêts tempérées comptabilisent entre trois et quinze espèces d’arbres à l’hectare. Pour Plinio Sist, cette complexité sous les tropiques pourrait inspirer les forestiers du Nord : « la riche biodiversité des forêts tropicales est le principal pilier de leur résilience. Ces écosystèmes regorgent d’informations sur la manière dont on peut lutter contre les changements climatiques ».
A l’inverse, les programmes de replantation d’arbres et de sélection variétale en milieux tempérés pourraient servir d’exemple pour la restauration des paysages forestiers au Sud. « Faire des liens, apprendre de chacun et des expériences passées » est aussi une des valeurs ajoutées de ce PEPR, répète le chercheur.
Certaines problématiques sont par ailleurs communes : en sylviculture, l’exploitation ne concerne que quelques espèces, aussi bien au Nord qu’au Sud. Forêts tempérées et tropicales gagneraient à la valorisation de nouvelles espèces commerciales.
S’unifier pour gagner en poids en Europe et à l’international
Agrégat des données et des connaissances, collaborations interdisciplinaires pérennes, ouverture sur les tropiques : en se constituant en réseau, la recherche forestière française s’assure un poids plus conséquent sur la scène internationale.
Un avantage non négligeable aussi du point de vue de l’Union européenne, qui durcit actuellement sa lutte contre la déforestation importée. « Les pays tropicaux devront bientôt répondre aux exigences européennes en matière d’exploitation durable du bois, par exemple, détaille Plinio Sist. Il y aura un rôle de médiateur à tenir, qui se jouera peut-être via l’accompagnement de certifications des produits tropicaux exportés vers les marchés européens. »