Résultats & impact 5 février 2024
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Grippes aviaires | Mieux contrôler les épidémies en développant les partenariats public-privé
L'actuelle pandémie de Covid-19 témoigne une nouvelle fois de la difficulté d'endiguer certaines maladies infectieuses dans un système économique toujours plus globalisé. Bien avant le coronavirus SARS-CoV-2, d'autres agents pathogènes sont parvenus à se propager à grande échelle via les réseaux du commerce international.
C'est par exemple le cas des souches d'influenza aviaire qui émergent régulièrement depuis le début des années 2000. Afin de mieux cerner les mécanismes de diffusion de cette famille de virus hautement pathogène pour les volailles d'élevage et potentiellement mortelle pour l'homme, deux épidémiologistes du Cirad ont analysé près de 4000 articles scientifiques traitant de l'influenza aviaire sous l'angle de sa propagation.
Des connaissances qui restent lacunaires
« Alors que la question de l'impact des mouvements d'oiseaux sauvages sur la propagation mondiale de l'influenza aviaire prédominait dans ce corpus d'articles, d'autres facteurs de diffusion comme les déplacements d'animaux et d'êtres humains concernaient une minorité de travaux », précise la vétérinaire épidémiologiste Claire Hautefeuille, principale auteure de l'étude et doctorante au Cirad (i).
Parmi les 362 publications scientifiques abordant la question des voies de propagation de cet agent pathogène, l'équipe ne va retenir qu'une cinquantaine d'articles pertinents pour une analyse plus approfondie. Cette sélection restreinte regroupe des travaux sur les réseaux de production et de commercialisation de volailles. Ils prennent en compte les facteurs de risque de contamination associés : transport des volailles d'élevage, déplacement de personnes intervenant à différentes étapes de la filière avicole, vecteurs mécaniques de transmission (véhicule de transport, matériel contaminé, etc.).
« L'analyse détaillée de ces publications montre que le rôle de ces mouvements dans la diffusion de l'influenza aviaire n'a jamais pu être confirmé à l'aide de données de terrain, illustre Claire Hautefeuille. Le risque de propagation du virus par le biais des réseaux de production avicoles n'a pour sa part été étudié qu'au niveau national. » En outre, la plupart des travaux visant à simuler la propagation du virus de l'influenza aviaire n'utilisent pas les données issues de précédentes épidémies pour paramétrer leurs modèles d'analyse, limitant ainsi la fiabilité de leurs prédictions.
Encourager les collaborations avec le secteur privé
« Pour pouvoir combler ces lacunes, il est indispensable d'établir des collaborations étroites avec les différentes entreprises de la filière avicole », souligne Marisa Peyre, épidémiologiste au Cirad et co-auteure de l'étude. La complexité des réseaux de production et de commercialisation avicoles ainsi que l'accès limité aux données des principaux acteurs de la filière demeurent des freins importants à l’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques.
Dans ce secteur d'activité très concurrentiel, les entreprises collaborent encore trop rarement avec des centres de recherche ou des organisations sanitaires. Une dizaine de sociétés se partagent par exemple le marché mondial de la production de poussins destinés aux fermes d'élevage. « Des initiatives telles que le Guide de bonnes pratiques des partenariats public-privé dans le domaine vétérinaire (ii) sont des outils sur lesquels nous devons nous appuyer pour lever ces réticentes », conclut Marisa Peyre.
EVACS : un outil innovant conçu pour les acteurs de terrain pour prévenir la diffusion du virus Face à un agent pathogène aussi redoutable que l'influenza aviaire, la vaccination reste le meilleur moyen de prévenir le risque de pandémie. Pour des raisons autant pratiques que financières, il est toutefois inenvisageable de vacciner les quelque 35 milliards de poulets élevés chaque année à travers le monde. Comment dès lors adapter la stratégie vaccinale à de telles contraintes dans le but de réduire le risque de diffusion de l'influenza aviaire? C'est tout l'enjeu du dispositif EVACS (Evaluation des stratégies de vaccination des maladies animales) développé par le Cirad et que Claire Hautefeuille améliore dans le cadre de sa thèse. Cette nouvelle version de l'outil fonctionne en deux temps: après avoir décrit la nature des connexions existant entre différentes exploitations avicoles, il est capable de simuler la diffusion du virus d'un type de ferme à un autre. À terme, EVACS permettra d'identifier les élevages à vacciner en priorité pour stopper la propagation du virus. Grâce à cet outil innovant, adaptable et conçu pour les acteurs de terrain, Claire Hautefeuille a remporté la finale Occitanie de « Three minute thesis Coimbra », l'équivalent anglophone de « Ma thèse en 180 secondes » qui s'est tenue à Montpellier le 25 février dernier. |
(i) La thèse de Claire Hautefeuille fait l'objet d'une Convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) entre le Cirad et l'entreprise Ceva Santé animale.
(ii) Le guide a été conçu par l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) avec l'aide du Cirad et le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates