Résultats & impact 2 avril 2024
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Domestication du cacao à l’époque précolombienne : l’histoire revisitée par l’archéogénomique
L’histoire de la domestication des plantes est fortement liée aux migrations humaines et aux échanges commerciaux. Leur circulation a commencé en Amérique du Sud dès le milieu de l'Holocène.
Le cacaoyer moderne - dont le nom scientifique signifie "la nourriture des dieux" - est l'une des cultures les plus importantes au monde. Il existe onze groupes génétiques connus, dont les variétés Criollo et Nacional, très répandues.
Pour les premiers botanistes comme Vavilov, ainsi que dans la culture populaire, la Méso-Amérique et l'Amérique centrale sont considérées comme le berceau d’origine du cacao, domestiqué par les populations Olmèques et Mayas qui auraient introduit le cacao en Amérique centrale à partir d'un petit nombre de plantes originaires d'Amazonie. Cependant, peu d'informations existent sur sa domestication en Amérique du Sud, et en particulier tout le long de la côte Pacifique où de nombreuses cultures humaines ont prospéré pendant plus de 5000 ans, comme celles des Valdivia en Équateur et de Puerto Hormiga en Colombie.
Pour clarifier l'histoire de la domestication du cacao en Amérique du Sud et en Amérique centrale, le Cirad a constitué une équipe scientifique, composée de 16 institutions issues de 7 pays différents. « Cette équipe pluridisciplinaire, qui compte des archéologues, des anthropologues, des généticiens et des biochimistes, a analysé l'ADN ancien et les composés biochimiques présents dans les résidus alimentaires de 352 objets archéologiques en céramique », révèle Claire Lanaud, généticienne au Cirad à l’origine du projet. « Ces objets appartiennent à 19 cultures précolombiennes datant d'il y a environ 5 900 à 400 ans en Équateur, en Colombie, au Pérou, au Mexique, au Belize et au Panama ».
En s’appuyant sur des études bioinformatiques et pangénomiques, menées en particulier par Xavier Argout, chercheur au Cirad, et par des études génétiques, les scientifiques ont montré que l’utilisation et la domestication du cacao (T. cacao) et de ses apparentés sauvages remontent à plus de 5 000 ans, hors de sa zone d'origine en Amazonie, soit 1 500 ans avant sa domestication en Amérique centrale. De plus, l’ascendance génétique du cacao, présente dans les céramiques, a montré une diversité remarquable, avec le mélange de plusieurs groupes génétiques de l’espèce T. cacao, originaires de régions amazoniennes géographiquement éloignées. « Cela témoigne des échanges intensifs qui ont eu lieu, il y a plusieurs millénaires, entre les populations de la côte et de l'Amazonie », souligne Francisco Valdez, archéologue à l’IRD. Ce brassage génétique a sans doute favorisé l’adaptation des cacaoyers à leur nouvel environnement.
Ces résultats remettent largement en question les hypothèses formulées jusqu'à présent sur la domestication des variétés de cacao les plus anciennes. Ils présentent un modèle de domestication de T. cacao plus complexe que prévu, et soulignent le rôle primordial des plus anciennes cultures humaines dans cette domestication.
*Ce travail multidisciplinaire a été initié par une équipe du Cirad (AGAP Institut). Il a impliqué la participation de 16 institutions issues de 7 pays différents et parmi lesquelles on peut compter 4 institutions françaises : le Cirad, le Museum National d’Histoire Naturelle, l’IRD et l’Université de Montpellier. Son financement a été principalement assuré par un projet MUSE (Montpellier Université d’Excellence) ainsi que par Valrhona.
Référence
A revisited history of cacao domestication in pre‐Columbian times revealed by archaeogenomic approaches. Claire Lanaud, Hélène Vignes, José Utge, Gilles Valette, Bénédicte Rhoné, Mariella Garcia Caputi, Natalia Angarita, Olivier Fouet, Nilesh Gaikwad, Sonia Zarrillo, Terry G. Powis, Ann Cyphers, Francisco Valdez, S. Quirino Olivera Nunez, Camilla Speller, Michael Blake, Fred Jr. Valde, Scott Raymond, Sarah M. Rowe, Guy S. Duke, Francisco Romano, Rey Gaston Loor Solórzano & Xavier Argout. Scientific reports. https://doi.org/10.1038/s41598-024-53010-6