Science en action 4 mars 2024
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Lutte contre l'antibiorésistance : l'indispensable approche « One Health »
L'antibiorésistance menace la santé et l'économie
Les antibiotiques sont régulièrement utilisés en élevage ou en aquaculture pour combattre les maladies, augmenter la productivité ou empêcher la contamination de la chaîne alimentaire. Cet emploi quasi-généralisé participe au développement, chez l’Homme comme chez les animaux, de souches microbiennes résistantes sur lesquelles les antibiotiques classiques n’ont plus d’effet. En septembre 2016, les Nations Unies ont reconnu que l’émergence de cette antibiorésistance à l’échelle mondiale menace la santé et le développement humain. Des projections récentes montrent notamment que, d’ici à 2050, ce phénomène pourrait entraîner un ralentissement de la production animale de 3 à 8 % par an, entrainant d’importantes pertes économiques, en particulier dans les pays les plus pauvres.
Des modes de vie en mutation
Afin de dresser un état des lieux de la situation en Asie du Sud-Est, dont les filières d’élevage et d’aquaculture alimentent le marché mondial, Flavie Goutard, épidémiologiste au Cirad, a effectué avec ses partenaires des agences internationales OMS, OIE et FAO une importante étude incluant une analyse de la réglementation en place.
Ce recueil de données indique qu’au cours des dernières années, le niveau de vie des populations de la plupart des pays d’Asie du Sud-Est a considérablement augmenté. Cette amélioration s’est accompagnée de changements de régimes alimentaires qui se sont traduits par un fort accroissement de la demande en protéines animales (viande, poisson). Pour y répondre, la production s’est intensifiée, tout comme l’usage des antibiotiques. Résultat : l’antibiorésistance a progressé fortement, aggravée par la faible régulation des réseaux de vente d’antibiotiques, les limitation dans la surveillance de leur emploi et le manque de cadres législatifs adaptés.
Surveiller, collaborer, sensibiliser
Selon les chercheurs, plusieurs pistes doivent être suivies pour renforcer l’efficacité des politiques sanitaires :
- mettre en place des réseaux de surveillance intégrés visant à suivre l’emploi des antibiotiques non seulement chez l’être humain, mais aussi en élevage, en aquaculture et en agriculture ;
- renforcer les partenariats régionaux impliquant la FAO, l’OIE et l’OMS, afin de favoriser les échanges d’informations entre les pays de la région, ainsi que les approches multisectorielles ;
- améliorer le respect des standards d’utilisation des antibiotiques grâce à une plus grande sensibilisation des utilisateurs et une meilleure application des lois.
One Health, l'approche la plus adaptée
Les auteurs soulignent que l’approche intégrée One Health (« une seule santé »), qui intègre les questions sanitaires et socioéconomiques liées à l’Homme, aux animaux et à l’environnement, est particulièrement bien indiquée pour combattre un phénomène aussi complexe que l’émergence de l’antibiorésistance. Déjà utilisée dans certains pays de la région afin de définir diverses politiques sanitaires, elle devrait permettre de faciliter les initiatives globales de lutte contre l’antibiorésistance tout en tenant compte des contraintes nationales spécifiques.
L’alliance tripartite OMS, FAO et OIE recommande aux pays d’utiliser cette approche notamment dans la mise en place de leur dispositif de surveillance de l’antibiorésistance. Une étude des freins et des leviers s'appliquant à une telle approche intersectorielle est actuellement menée, sous la forme d’une thèse co-encadrée par le CIRAD au Vietnam.
Au-delà de l'Asie du Sud-Est, le type d’étude menée par Flavie Goutard et ses collaborateurs pourrait également être envisagé en Afrique sub-saharienne, où les contextes socio-économique et législatif sont également peu adaptés à la gestion de l’utilisation des antibiotiques en agriculture.
Les chercheurs du Cirad approfondiront ces questions au cours d'un atelier sur l’antibiorésistance qui se tiendra à la Réunion la semaine du 9 octobre 2017. Cet événement vise à mieux structurer les efforts, en associant également les spécialistes du secteur végétal du Cirad ainsi que des partenaires experts en santé publique.