Science en action 4 mars 2024
- Accueil
- Les actualités du Cirad
- Actualités
- Albédo et atténuation changement climatique
Prendre en compte l’albédo des sols pour mieux atténuer le changement climatique
La séquestration de carbone dans les sols à un rôle important à jouer pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Les modèles du Giec intègrent le stockage de carbone et les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour évaluer les changements de pratiques ou d’usages des sols. Or ces effets, dits biogéochimiques, ne sont pas les seuls à peser dans la balance climatique. L’albédo du sol, c’est-à-dire sa capacité à réfléchir ou à absorber le rayonnement solaire, conditionne la température de la surface terrestre.
Les 3 et 4 décembre 2020, le Cirad et l’institut de convergence CLAND ont organisé un atelier virtuel pour partager et discuter des dernières connaissances sur le sujet. Le rôle primordial des effets biogéophysiques a été souligné. Ignorés, ils peuvent conduire à des politiques publiques d’atténuation du changement climatique sous-optimales, voire contre-productives. Cet atelier était organisé avec le soutien de la Global Research Alliance on Agricultural Greenhouse Gases et de l’initiative 4 pour mille.
« Les pratiques de séquestration du carbone dans les sols doivent être réévaluées au regard des effets biogéophysiques, soutient Rémi Cardinael, agro-pédologue au Cirad et organisateur du congrès. Et cela de façon détaillée localement car ils sont très spécifiques au contexte : climat, type de sol, espèces, etc. » Par exemple, l’épandage de biochar – un charbon d’origine végétale – sur des sols clairs diminue fortement l’albédo et contribue à augmenter la température terrestre. « Le biochar contribue au stockage du carbone et réduit les émissions de protoxyde d’azote (N2O), un puissant GES, explique Rémi Cardinael. Mais cet avantage climatique baisse de 30 % quand on considère l’albédo. » La pratique peut cependant être améliorée pour diminuer cet effet négatif : appliquer le biochar sur sols sombres, dans des cultures sous couvert végétal permanent, l’enfouir, ou encore le mélanger à de l’argile blanche ou de la chaux pour l’éclaircir.
Même constat pour le reboisement des régions boréales : d’un côté ces forêts permettent de réduire la concentration en CO2 atmosphérique ; de l’autre, le remplacement de surfaces enneigées par des forêts diminue l’albédo. Au final, l’effet sur le climat est nul, voire négatif. À l’inverse, sur les sols sombres d’Europe centrale et de l’Ouest, l’introduction de cultures intermédiaires augmente l’albédo. Cumulé au stockage du carbone et la diminution des émissions de N2O, cette stratégie semble entièrement gagnante. « La communauté scientifique s’engage dans cet axe de recherche car il y a un besoin crucial d’améliorer la description de la gestion des cultures dans les modèles climatiques du Giec, ajoute Rémi Cardinael. Les mesures de télédétection et la modélisation doivent permettre de quantifier les retombées à plus large échelle. »
Les participants de l’atelier virtuel ont également conclu sur la nécessité de prendre en compte les autres effets biogéophysiques, comme l’évapotranspiration. Les forêts tropicales ont un albédo plus faible que les cultures ou que les prairies, mais leur évapotranspiration est très élevée. Ce dernier effet – refroidissant – compense l’effet réchauffant lié à l’albédo.
Reste désormais à mettre au point des indicateurs solides pour évaluer l’importance relative des différents effets et interpréter les résultats des modèles climatiques. Si les effets biogéochimiques sont transformés en « équivalent CO2 », la même conversion est délicate pour les effets biogéophysiques comme le souligne Rémi Cardinael : « Il existe des différences spatiales et temporelles dont les indicateurs doivent tenir compte. » Le changement d’albédo lié aux pratiques agricoles induit un forçage radiatif local, contrairement au CO2 qui est rapidement homogénéisé dans l’atmosphère à l’échelle globale. De plus, l’effet d’albédo est maintenu tant que la pratique agricole est en place : la capacité de stockage en carbone d’un sol est, au contraire, limitée et finie. Des travaux sont en cours pour refléter ces différences dans les indicateurs.
Un premier bilan complet pour l’agriculture de conservation en Afrique d’ici fin 2022
Au Zimbabwe, dans le cadre des projets DSCATT, ACCURATE et LANCELOT, une équipe menée par Rémi Cardinael ambitionne de fournir un premier bilan complet des effets biogéochimiques et biogéophysiques en agriculture de conservation. Les projets vont étudier deux types de sols : sablonneux, à l’albédo élevé ; et argileux, à l’albédo plus faible. Le bilan climatique des pratiques de réduction du travail du sol et d’épandage de résidus de culture va ainsi pouvoir être quantifié pour la première fois dans ce contexte. Une thèse commence sur le sujet en octobre 2021.