La consommation de cacao au niveau mondial ne cesse d’augmenter. En parallèle cependant, la productivité au niveau des exploitations reste basse et fluctuante selon les années. Les hausses de la production proviennent donc principalement de l’augmentation des surfaces cultivées, qui empiètent généralement sur des zones forestières et participent ainsi à la déforestation. « Au Ghana, deuxième producteur mondial de cacao, on estime que plus d’un quart de la déforestation entre 1990 et 2008 est à imputer à la culture du cacao », précisent Martijn ten Hoopen et Stéphane Saj, correspondants de la filière cacao au Cirad.
Au-delà des enjeux de durabilité et de préservation de la biodiversité, la faible productivité des systèmes de culture du cacao entraîne une vulnérabilité socio-économique pour les producteurs, souvent en situation d’extrême pauvreté, notamment en Afrique de l’Ouest.
« Le modèle dominant, en monoculture, est à bout de souffle, souligne Martijn ten Hoopen. Entre le vieillissement des cacaoyères, dont certaines sont abandonnées, la raréfaction des zones forestières disponibles, les maladies qui se transmettent plus vite en monoculture… Sans compter le rétrécissement des zones aptes à la culture du cacao, dans un contexte de changement climatique. Les modèles de culture du cacao doivent se réinventer. »
Les agroforêts : une alternative productive et durable
Le cacaoyer est à l’origine un arbre de sous-bois de la forêt amazonienne, sensible aux écarts de température et qui a besoin d’une humidité constante. C’est la raison pour laquelle cette plante apprécie l’ombrage et l’humidité des sols des agroforêts. Au Cameroun, le Cirad et l’Irad ont démontré que l’agroforesterie constituait une alternative crédible à la monoculture du cacao, à la fois en termes de productivité, de santé des sols et stockage de carbone, et de longévité des cacaoyères. De plus, les arbres associés aux cacaoyers assurent des bénéfices complémentaires aux planteurs, notamment grâce à leurs fruits (avocats, agrumes, mangues, banane, plantain…).
Bien que la culture monospécifique de cacaoyers reste très majoritaire en Afrique, ce modèle agricole est à bout de souffle. Une série de travaux menés au Cameroun par le Cirad et l’Irad montre que la cacaoculture agroforestière peut constituer une alternative crédible à la cacaoculture monospécifique. À partir d’un indicateur issu de la sylviculture, les scientifiques ont pu établir le ratio de cacaoyers offrant le meilleur compromis entre rendement, stockage du carbone et durabilité. Cet indicateur pourrait être adopté pour la certification du cacao durable. Des travaux à découvrir dans le dernier numéro de Perspective.
Inventer la cacaoculture de demain
La Côte d’Ivoire et le Ghana représentent 43 % et 20 % de la production mondiale de cacao, respectivement. Dans ces pays, le projet Cocoa4Future évalue la résilience agro-environnementale de 150 cacaoyères conduites en monoculture ou en agroforesterie. D’ici quatre ans, le projet mettra à jour de nouveaux systèmes de cacaoculture, à la fois durables et viables pour les agriculteurs.
Renforcer la durabilité et résilience de la cacaoculture en Afrique de l’Ouest : c’est la finalité du projet Cocoa4Future, coordonné par le Cirad et financé par le programme DeSIRA de l'Union européenne et l'Agence Française de Développement. Pendant cinq ans, plus de 150 cacaoyères conduites en monoculture ou agroforesterie seront évaluées du point de vue agro-environnemental, tandis que 350 exploitations à travers la Côte d’Ivoire et le Ghana bénéficieront d’un suivi des stratégies paysannes développées notamment en matière d’agroforesterie.
La cacaoculture durable : un enjeu aussi pour les pays consommateurs
La France, le vingtième pays consommateur de cacao au monde, s’est engagée pour la transformation du secteur via le lancement, en octobre 2021, d’une initiative française pour un cacao durable, qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée. L’initiative repose sur trois engagements : améliorer le revenu des producteurs de cacao, mettre fin les approvisionnements français de cacao issus de zones déforestées, et lutter contre le travail forcé et le travail des enfants dans les régions productrices. La feuille de route de l’initiative vient d’être adoptée par ses 26 membres, dont le Cirad, lors de la deuxième réunion plénière de l’initiative le 5 avril 2022.
Le 5 octobre 2021, le Gouvernement, représenté par la secrétaire d’Etat à la Biodiversité, Bérangère Abba, le Syndicat du Chocolat, le Cirad, des ONG et des distributeurs ont signé des engagements communs et décisifs pour un cacao durable, avec la participation du ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, Franck Riester.
La culture du cacao en chiffres
Entre 40 et 50 millions de personnes (dont 5.5 millions de petits producteurs) à travers le monde dépendent de la production de cacao, qui représente actuellement 5 millions de tonnes. 70 % de cette production proviennent de la « ceinture de cacao d’Afrique de l’Ouest », qui s’étend de la Côte d’Ivoire au Cameroun. L’Europe, premier consommateur de cet or noir, rassemble une industrie de transformation dont le chiffre d’affaire annuel atteint les 62 milliards d’euros.