La FAO s’alarmait déjà en décembre dernier de la dégradation de l’état des sols et des eaux au niveau mondial, pointant du doigt « des systèmes au bord de la rupture ». Cet été, alors que la France connaît une vague de sécheresse inédite, l’agence de l’ONU publie les rapports techniques sur lesquels elle a basé ses conclusions de décembre. Sept scientifiques du Cirad sont auteurs de l’un d’entre eux.
Une agriculture toujours plus gourmande en eau
Focalisé sur les impacts de la crise de l’eau sur la petite agriculture, le rapport technique du Cirad s’appuie sur un premier constat : la demande en eau augmente deux fois plus vite que la population mondiale.
Caroline Lejars, chercheuse en sciences de gestion au Cirad, directrice adjointe de l’unité de recherche G-EAU et coordinatrice du rapport, indique : « L’utilisation des ressources hydriques pour l’agriculture s’envole à cause des changements de régimes alimentaires, de l’intensification agricole et de l’urbanisation. La consommation de viande a augmenté de 60 % ces 20 dernières années. Les villes s’installent sur des terres fertiles, proches des points d’eau, déplaçant les terres cultivées sur des sols moins favorables aux cultures et souvent plus gourmands en eau ». A cela s’ajoute la concurrence pour d’autres utilisations de l’eau, comme la production d’énergie.
Le bilan mitigé des politiques publiques passées
Selon les auteurs du rapport, les politiques publiques de ces dix dernières années ont investi massivement dans l’irrigation et dans les grandes infrastructures hydrauliques. « Les politiques publiques ont cherché à augmenter l’offre en eau et à développer l’irrigation, renchérit Caroline Lejars. L’accès sécurisé à l'eau a permis de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Mais ces politiques ont aussi accru les inégalités et encouragé la surexploitation des ressources hydriques. »
Au-delà des impacts environnementaux, la raréfaction des ressources hydriques accentue en effet les inégalités sociales et les migrations. Dans de nombreuses régions, les technologies classiques de pompage ne suffisent plus pour accéder à l’eau des nappes presque asséchées. Les petites exploitations qui n’ont pas les fonds pour investir dans de nouvelles technologies, de pompage ou de désalinisation d’eaux de mer, sont laissées à l’abandon.
Pour des solutions territorialisées
PACTE, MASSIRE ou encore SERTOES : le Cirad mène depuis plus d’une dizaine d’années de nombreux projets de développement et de recherche sur les approches territoriales en matière de gestion de l’eau. Forts de cette expérience, les auteurs du rapport pointent les avantages de politiques territorialisées dans l’implication des communautés locales, mais aussi dans leur efficacité à intégrer différents secteurs dans leur élaboration.
Caroline Lejars explique : « Les politiques de l’eau, des terres, de l’énergie et l’alimentation sont encore trop souvent construites en silos, alors que les réponses demandent une coordination étroite entre ces différents secteurs. Les politiques territorialisées, via des approches participatives notamment, saisissent mieux ces interdépendances et répondent mieux à la complexité de ces enjeux ».
Des systèmes au bord de la rupture. C’est le sous-titre du dernier rapport de la FAO sur l’état des ressources en terres et en eau. Parmi les pistes de solutions, le Cirad plaide pour des approches territoriales et des processus participatifs de prise de décision. Ces outils puissants permettent la conception de politiques publiques plus inclusives et capables d’enclencher la transition vers des modèles de développement plus durable. Une analyse développée dans un rapport thématique complémentaire de celui de la FAO et coordonné par le Cirad.
Parmi les autres recommandations, le rapport souligne les solutions techniques apportées par les pratiques agroécologiques en systèmes irrigués. Trop souvent ignorée dans le cadre de l’irrigation, l’agroécologie est pourtant utilisée par de nombreuses petites exploitations en cultures irriguées afin de s’adapter au manque d’eau. Dans le cadre de projets comme IRRINN, ou VIANA, le Cirad s’emploie à inventorier ces pratiques, pour ensuite les diffuser sur des territoires aux problématiques similaires.
Télécharger le rapport
Mayaux, L.P., Lejars, C., Farolfi, S., Adamczewski-Hertzog, A., Hassenforde, E., Faysse, N., Jamin, J.Y. 2022. Enabling institutional environments conducive to livelihood improvement and adapted investments in sustainable land and water uses. SOLAW Background Thematic Report. Rome, FAO.