Vient de sortir 15 avril 2024
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Climat | 5 clés pour des politiques efficaces d’adaptation de l’agriculture
Comment mettre en œuvre des instruments politiques efficaces d’adaptation de l’agriculture au changement climatique ? Le Cirad publie une série de recommandations dans le Policy Brief « Tackle climate change : recommendations for agricultural adaptation policies of tomorrow ».
L’adaptation du secteur agricole au changement climatique passe par cinq mesures clés : évaluer les performances concrètes des instruments des politiques climatiques ; mettre en œuvre des instruments politiques sectoriels ; mobiliser des instruments incitatifs, communicationnels et réglementaires ; améliorer la mise en œuvre des instruments existants ; et promouvoir une adaptation juridictionnelle nationale en tant qu’évaluation mondiale des politiques d’adaptation.
L’agriculture représente 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais, d'après le Giec, elle présente un potentiel de réduction de ses émissions de 75 % !
« L’agriculture représente environ 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en incluant la déforestation, souligne Marie Hrabanski, chercheuse en sociologie politique au Cirad et co-auteure du Policy Brief. Mais d’après le Giec, elle a un potentiel de réduction de ses émissions de 75 %, il y a urgence à agir. » Si des politiques publiques sont déployées depuis les années 90, les auteurs pointent la nécessité de s’intéresser à leur mise en œuvre concrète pour répondre aux enjeux climatiques. L’analyse compare les instruments déployés dans 11 territoires, du nord au sud, pour comprendre les conditions propices à une mise en œuvre réussie. Ces études de cas proviennent de trois projets de recherche : Typoclim, Artimix et Tackling CC.
Cinq axes prioritaires sont proposés aux décideurs, dont deux qui contredisent quelque peu ce qui est prôné à l’échelle internationale
Évaluer les politiques climatiques
Les performances des instruments politiques doivent être évaluées sur le terrain. Des problèmes de gouvernance ou une dispersion de la capacité d’action des décideurs peuvent limiter l’efficacité des plans d’action. Il est nécessaire de s’assurer d’une diffusion correcte des objectifs, d’une appropriation par les cibles et d’une mise en œuvre concrète des instruments de lutte sur les territoires et parcelles.
Des politiques plus efficaces si leur mise en œuvre relève du seul secteur agricole
A l’échelle internationale, il est généralement admis que les enjeux climatiques doivent être gérés par une gouvernance transsectorielle. C’est-à-dire qu’il faudrait appréhender les enjeux agricoles en les combinant à d’autres secteurs comme l’eau, l’urbain, l’énergie… Or, d’après Marie Hrabanski « la mise en œuvre des instruments d’adaptation de l’agriculture au changement climatique est plus efficiente lorsqu’elle est portée par le secteur agricole. Nous l’expliquons par le fait que le secteur agricole est très souvent doté d’un meilleur maillage territorial et d’une organisation plus structurée que ceux des autres secteurs. »
Cette routine bureaucratique permet d’innover plus rapidement pour mettre en place des instruments d’adaptation de l’agriculture au changement climatique. Par exemple, dans les 11 territoires considérés, les trois quarts des instruments en place sont mis en œuvre par les acteurs du secteur agricole, à l’image de la plateforme Climate Smart Agriculture au Sénégal. Celle-ci coordonne les acteurs nationaux et locaux pour s’assurer de l’intégration de la politique climatique dans les politiques et projets agricoles, en s’appuyant notamment sur des plateformes départementales.
« Mais attention, cela ne signifie absolument pas qu’il faille écarter les acteurs non agricoles de la fabrication des politiques publiques » précise la sociologue.
Combiner les approches incitatives, communicationnelles et réglementaires
Les auteurs soulignent l’importance de réhabiliter les instruments de régulation contraignants. Un constat à contre-courant de la tendance actuelle. Mais pour les auteurs, ces instruments règlementaires combinés à des instruments incitatifs et de communication sont les garants d’une mise en œuvre efficace des politiques d’adaptation au climat.
Des instruments hybrides existent déjà, comme les mesures agroenvironnementales et climatiques de l’Union européenne. Elles soutiennent financièrement les agriculteurs sous réserve qu’ils adoptent des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
Se concentrer sur les instruments existants
Inutile de se disperser dans de nombreux plans climatiques : en Colombie, les politiques climatiques se sont démultipliées, mais leur mise en œuvre est limitée. « Nous plaidons au contraire pour une sobriété institutionnelle et instrumentale » appuie Marie Hrabanski. La priorité est de renforcer les moyens de mise en œuvre des instruments sectoriels jugés les plus efficaces politiquement, économiquement et dans la lutte contre le changement climatique.
Tirer parti des litiges locaux pour légiférer à l’international
Les auteurs identifient la nécessité de promouvoir une adaptation juridictionnelle nationale en tant qu’évaluation mondiale des politiques d’adaptation. Selon l’étude, les litiges climatiques locaux contribuent à améliorer les lois climatiques internationales, à innover pour les litiges transnationaux et à développer une approche préventive de la responsabilité.
Pour les auteurs du Policy Brief, le respect de ces axes prioritaires est garant d’une mise en œuvre réussie de politiques publiques favorisant la transition climatique des agricultures de par le monde.
Les activités agricoles devraient représenter un réel sujet lors des sommets de l’ONU pour le climat puisqu’elle est à la fois coupable, victime et solution. Pourtant elle n’a pas fait l’objet de négociation officielle à Glasgow.
Il aura fallu le lancement de l’action commune de Koronivia en 2017, lors de la COP23, pour que les questions agricoles et alimentaires soient intégrées dans les négociations climatiques internationales. Ce processus, initié il y a 5 ans, devait s’achever cette année à Glasgow. Mais les Parties ont décidé de reculer d’un an l’échéance, afin d’avancer techniquement sur cet enjeu tout en repoussant les négociations politiques et géostratégiques inhérentes. Les enjeux liés aux systèmes agricoles et alimentaires devraient donc être négociés lors de la prochaine COP, à Charm el-Cheikh en 2022.