Plaidoyer 22 novembre 2023
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Covid-19 | Aux origines environnementales de la pandémie…
Les épidémies ont existé par le passé, cependant la tendance récente montre que leur nombre et leur fréquence augmentent. Serge Morand, écologue de la santé au CNRS et au Cirad, auteur de l’ouvrage « La prochaine peste » constate qu’« au niveau mondial, le nombre d’épidémies a été multiplié par plus de 10 entre 1940 et aujourd’hui ». Ainsi, depuis 1940, si l’épidémie de Codid-19 est l’une des rares, après le Sida et la grippe asiatique (H2N2), à atteindre cette envergure mondiale et devenir une pandémie, elle pourrait bien ne pas être la dernière… Dans une tribune au Monde paru le 17 avril, 16 dirigeants d’organismes de recherche français, membres de l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement (AllEnvi), reviennent sur les causes de la multiplication des épidémies, en particulier des zoonoses**, et appellent à investir plus d’efforts pour une santé globale, intégrant la santé des écosystèmes (cultivés ou naturels), des végétaux, des animaux et des humains .
Les signataires rappellent le rôle de l’Homme dans l’émergence puis la diffusion de nouveaux virus. « C’est […] une perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface Homme-Nature, […] amplifiée par la globalisation des échanges et des modes de vie, qui accélère l'émergence de virus dangereux pour les populations humaines par recombinaison entre virus d’espèces différentes. »
Les contacts humains avec les animaux d’élevage et sauvage se multiplient, dans un monde globalisé, ce qui augmente le risque de diffusion des maladies émergentes
Selon les premières analyses génétiques du SARS-CoV2, le virus issu d’une chauve-souris a nécessité un hôte intermédiaire pour acquérir, par recombinaison et mutation, la capacité d’infecter les humains. Parmi les pistes retenues dans la recherche de l’hôte intermédiaire : le pangolin, une espèce en voie d’extinction, très braconnée.
Une telle transmission de virus est possible, mais elle est rare. Cependant, ces dernières années, les interactions entre les espaces occupés par l’Homme et les espaces naturels se sont accélérées. La destruction et la fragmentation des habitats de certaines espèces, leur mise en élevage, leur trafic illégal viennent accroître les risques sanitaires. « Les exemples sont nombreux, comme la chasse et le braconnage des espèces sauvages (voire protégées), qui brisent la barrière de la sécurité alimentaire (Ebola, SARS, Covid-19) ou la destruction d’habitat, qui met l’humain en proximité avec des pathogènes endémiques, comme, par exemple, l’ulcère de Buruli en Guyane, où la maladie frappe l’homme de façon croissante en lien avec la déforestation » , détaille la Tribune.
Outre l’anthropisation des espaces (urbanisation, transport, exploitation…), l’industrialisation de la production agricole et alimentaire, de l’élevage - avec notamment l’usage intensif d’antibiotiques créant des résistantes chez les bactéries – est aussi soupçonnée dans la multiplication des maladies infectieuses et dans la création des conditions propices à leur globalisation.
La perte de biodiversité mise en cause
Une des conséquences de ces évolutions globales, mais aussi une des causes de la diffusion de ces pathogènes, est la perte de biodiversité au sens large (écosystèmes, plantes, animaux, …). Cette chute ne concerne pas seulement la diminution du nombre d’espèces sauvages, mais également la diversité génétique au sein des espèces cultivées ou d’élevage : une diversité génétique indispensable à la résilience des populations, pour limiter les propagations et faciliter les résistances individuelles ou collectives aux pathogènes (d’origine bactérienne, virale ou fongique). Sans oublier le rôle des barrières naturelles et de la diversité biologique dans la régulation de la transmission des pathogènes : « Une grande diversité d’espèces hôtes potentielles ou effectives limite la transmission des virus par un effet de dilution » , précise la Tribune.
Un constat paraît s’établir alors : si l’on ne réduit pas les activités humaines néfastes à la biodiversité, à l’hétérogénéité des paysages et de l’environnement, on favorise les conditions à la diffusion de nouvelles maladies. « Une expertise scientifique pluridisciplinaire, dans laquelle le Cirad est associé, à la demande des Ministères français, cherche actuellement à approfondir ces liens complexes entre l’émergence infectieuse ayant conduit à la pandémie de Covid-19 et la biodiversité », précise Didier Bazile, agroécologue au Cirad et membre du Conseil scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.
Penser l’humain dans son écosystème
Pour gérer la crise actuelle et mieux anticiper la suivante, les signataires de la Tribune affirment la nécessité de « consolider les bases d’une écologie de la santé s’intéressant aux interdépendances entre le fonctionnement des écosystèmes, les pratiques socio-culturelles et la santé des populations humaines, animales et végétales prises ensemble. »
Une approche interdisciplinaire « One Health » (« Une seule santé »), concertée entre les acteurs d’un territoire est à mettre en œuvre pour favoriser la santé des écosystèmes, des végétaux, des animaux et des humains qui les habitent, accroître leur résilience et ainsi réduire le risque de nouvelles pandémies.
*AllEnvi comprend 12 membres fondateurs (BRGM, CEA, Cirad, CNES, CNRS, CPU, IFREMER, INRAE, IRD, Météo-France, MNHN, Université Gustave Eiffel) et 15 organismes associés
**maladies d’origine animale transmissibles à l’Homme
Accéder à la Tribune d’Allenvi publiée dans Le Monde le 17 avril
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