La moitié des plantes terrestres encore jamais photographiées à l'état sauvage

Science en action 10 août 2021
Selon un article publié dans Nature Plants, près de la moitié des plantes sur Terre n’ont certainement jamais été photographiées à l’état sauvage. Les auteurs sont parvenus à cette conclusion en étudiant 25 sites web regroupant des photographies de plantes, telle que Pl@ntNet, une plateforme collaborative créée par le Cirad, INRAE, Inria et l’IRD en 2009, avec le soutien d’Agropolis Fondation. Ils appellent à un effort mondial dans ce domaine pour mieux connaître et protéger la biodiversité végétale.
Puya raimondii, la reine des Andes, est une espèce en danger, classée sur la liste rouge de l'UICN © P. Bonnet, Cirad
Puya raimondii, la reine des Andes, est une espèce en danger, classée sur la liste rouge de l'UICN © P. Bonnet, Cirad

Puya raimondii, la reine des Andes, est une espèce en danger, classée sur la liste rouge de l'UICN © P. Bonnet, Cirad

Des réseaux sociaux comme Flickr, à des projets de science citoyenne comme Pl@ntNet et iNaturalist, en passant par des sites universitaires comme le projet brésilien Flora do Brasil et la galerie Live Plant Photos… Avec autant de paparazzis de la botanique, on aurait pu supposer que la flore terrestre avait déjà été photographiée entièrement, et de nombreuses fois. 

Ça n’est pourtant pas le cas, selon Pierre Bonnet, chercheur au Cirad et co-auteur de l’étude publiée dans Nature Plants : « Des photos de plusieurs dizaines de milliers d’espèces de plantes sont consultables sur le web. Cela est déjà tout à fait remarquable et illustre les efforts réalisés dans cet objectif. Cependant, plusieurs dizaines de milliers d’autres ne sont pas illustrées par la moindre photo. Ces espèces, les moins connues et souvent les plus menacées, ne sont ainsi identifiables qu’à travers leurs descriptions textuelles et des spécimens d’herbiers numérisés, ce qui limite grandement les efforts pour leur conservation. »

Les résultats de l’article suggèrent que la plupart des plantes qui n'ont pas encore été photographiées poussent dans des zones tropicales. Le Brésil abrite par exemple près de 35 000 espèces de plantes, plus que tout autre pays américain, et environ 15 000 de ces espèces n'ont pas encore été photographiées.

Les auteurs ont également mis en évidence un autre problème : aucun des sites étudiés n’illustre à lui seul la plupart des espèces existantes, pas même Google ou le site du système mondial d’information sur la biodiversité (GBIF), qui regroupent pourtant les contributions des principaux acteurs mondiaux de la conservation de la biodiversité végétale.

Pour Nigel Pitman, chercheur au Field Museum et premier auteur de l’étude, l’enjeu est pressant : « Il ne s'agit pas seulement de faire un catalogue. Nous sommes au milieu d'une crise d'extinction mondiale : comment protéger des plantes en danger sans savoir à quoi elles ressemblent ? Il nous faut imaginer une galerie mondiale, accessible en ligne, capable d’organiser facilement les photos de plantes et où il sera facile de les trouver. »

D’après Pierre Bonnet, « la mise en commun des expertises et des données est indispensable pour accélérer la caractérisation de la distribution de la biodiversité à grande échelle. Les numérisations en cours des collections d’histoires naturelles, à travers les initiatives telles qu’iDigBio ou e-ReColNat, constituent un pas important en ce sens. Elles doivent être complétées par des observations in situ, permettant de connaître tout le gradient visuel exprimé par les espèces sur le terrain. »

Les approches s’appuyant sur des démarches participatives, la force des réseaux sociaux ou encore le nomadisme numérique progressent rapidement et pourraient permettre de lever le défi de l’illustration de toutes les espèces végétales de la planète dans les prochaines années.

L'étude s'est concentrée sur les plantes de l'hémisphère occidental : l'Amérique du Nord (qui possède la flore la mieux photographiée), l'Amérique du Sud, l'Amérique centrale et les Caraïbes (qui possèdent la flore la moins photographiée). Ce travail implique 31 auteurs répartis sur 3 continents : Amérique (États-Unis, Brésil, Équateur, Argentine, Pérou), Europe (France, Royaume-Uni, Suisse) et Australie. Il constitue une première étape importante pour identifier les faiblesses dans ce domaine et fournir des recommandations pour une progression rapide sur ce sujet.

Retrouvez Pierre Bonnet et la plateforme Pl@ntnet au congrès mondial de la nature à Marseille à partir du 4 septembre


Référence

Nigel C. A. Pitman, Tomomi Suwa, Carmen Ulloa Ulloa, James Miller, James Solomon, Juliana Philipp, Corine F. Vriesendorp, Abigail Derby Lewis, Sinem Perk, Pierre Bonnet, Alexis Joly, Mathias W. Tobler, Jason H. Best, John P. Janovec, Kevin C. Nixon, Barbara M. Thiers, Melissa Tulig, Edward E. Gilbert, Rafaela Campostrini Forzza, Geraldo Zimbrão, Fabiana Luiza Ranzato Filardi, Robert Turner, Fernando O. Zuloaga, Manuel J. Belgrano, Christian A. Zanotti, Jurriaan M. de Vos, Eduardo L. Hettwer Giehl, C. E. Timothy Paine, Rubens Texeira de Queiroz, Katya Romoleroux & Everton Hilo de Souza. 2021. Identifying gaps in the photographic record of the vascular plant flora of the Americas. Nature Plants. https://doi.org/10.1038/s41477-021-00974-2