Regard d'expert 19 mars 2024
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Déclaration de Nairobi : l’Afrique appelle à une taxation mondiale du carbone
Pour lever les fonds nécessaires à la transition énergétique de l’Afrique (600 milliards de dollars d’ici 2030), la Déclaration de Nairobi exhorte les dirigeants de la planète à « se ranger derrière la proposition d’un régime de taxation du carbone incluant une taxe sur le commerce des combustibles fossiles et sur le transport maritime et aérien, qui pourrait également être augmentée par une taxe mondiale sur les transactions financières ».
Les crédits carbone décriés, mais avec encore quelques beaux jours devant eux
Mais pour Alain Karsenty, économiste de l’environnement au Cirad et spécialiste de ces questions, « les pays africains ne renoncent pas pour autant aux potentiels transferts financiers associés aux marchés du carbone, notamment à travers les “approches coopératives entre États” instaurées par l’Article 6.2 de l’accord de Paris (2015). Plusieurs pays africains, dont le Ghana et le Sénégal, ont passé des accords avec la Suisse pour vendre à cette dernière des “résultats de réduction d’émissions” ».
Les Émirats arabes unis, où se déroulera la prochaine COP sur le climat fin 2023, ont passé ou sont en passe de finaliser des accords avec le Liberia, le Zimbabwe et la Tanzanie. Objectif : acquérir des droits exclusifs de commercialisation de crédits carbone pour des activités de conservation et de reforestation sur de vastes parties des territoires de ces pays. Le Monde du 2 août dernier titrait « Le Liberia prêt à concéder 10 % de sa superficie à une société des Émirats Arabes unis pour produire des crédits carbone ».
Contribution versus compensation
Néanmoins, les marchés volontaires du carbone, sur lesquels misent aussi un certain nombre de pays africains, apparaissent comme incertains. D’une part, les prix des crédits carbone sont en baisse, d’autre part leur crédibilité est de plus en souvent mise en question, notamment à la suite d’articles dans PNAS et dans Science, relayés par le Guardian en début d’année. « Des centaines de millions de crédits carbone, parfois émis au début des années 2000, ne trouvent pas preneur sur les marchés, souligne Alain Karsenty, probablement à cause de l’excès d’offre, mais aussi des doutes sur leur intégrité environnementale ».
La fiscalité, à travers une taxe carbone internationale, apparait comme plus susceptible de générer des recettes stables au cours du temps. En 1997, lors des discussions ayant abouti au Protocole de Kyoto, les options d’une taxe carbone ou de marchés des permis d’émissions étaient toutes deux sur la table. L’opposition de certains pays (dont les USA, qui ne ratifieront pourtant jamais le Protocole) conduisit au choix du marché. L’expérience aura été décevante, mais des acteurs privés se sont emparés de l’instrument des crédits carbone pour développer un marché volontaire répondant au désir de nombreuses entreprises de devenir « neutre carbone » sans forcément devoir réduire significativement leurs émissions. C’est le fameux principe de la compensation carbone.
À lire sur The Conversation : Histoire des crédits carbone : vie et mort d’une fausse bonne idée ?
Taxe carbone internationale, un casse-tête diplomatique
La position des pays africains rejoint celle de la France, qui, par la voix d’Emmanuel Macron lors du sommet sur un nouveau pacte financier mondial en juin 2023 à Paris, avait plaidé en faveur d’une taxe sur le commerce maritime, tout en soulignant la nécessaire adhésion de la Chine, des États-Unis et d’autres pays européens pour qu’elle devienne réalité. Car comme le remarque Alain Karsenty, « il y a, en effet, de sérieux obstacles diplomatiques à surmonter avant que la perspective d’une taxe carbone internationale soit mise en œuvre ».