Résultats & impact 2 avril 2024
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Les rendements de riz pluvial au Sénégal divisés par deux avec le nouveau scénario business as usual du GIEC
« Sans adaptation des modes de production, les rendements de riz pluvial au Sénégal accusent une baisse de 50 % entre aujourd’hui et 2100 si l’on suit le scénario business as usual. Le scénario le plus optimiste, qui nous demanderait de diminuer drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, permet d’assurer un rendement stagnant. » Edward Gérardeaux est agronome au Cirad, spécialiste des cultures annuelles et premier auteur de l’étude. « Face à l’augmentation des températures, favoriser des variétés plus adaptées, avec des cycles de croissance plus longs et une tolérance aux températures extrêmes, permettrait de limiter les dégâts. »
Les trois principaux impacts des changements climatiques sur les cultures
- Augmentation des températures
Selon les prévisions du GIEC, les températures devraient augmenter sur l’ensemble du continent africain. Pour la totalité des cultures, cela aura pour effet d’augmenter la transpiration et surtout de raccourcir la durée du cycle des plantes, leur laissant moins de temps pour intercepter le rayonnement et puiser des nutriments dans le sol. Les épisodes d’extrême chaleur risquent par ailleurs d’être plus fréquents, entraînant des stérilités des graines. « On s’attend à des pertes sur les rendements allant jusqu’à 50 % sur l’ensemble du continent », précise Edward Gérardeaux.
- Hausse du CO2 atmosphérique
La concentration de CO2 dans l’air devrait elle-aussi grimper. Moteur de la photosynthèse, ce phénomène devrait booster la croissance des plantes et réduire la transpiration, générant une progression des rendements de 10 à 20 %. « Les effets positifs ne pourront cependant pas contrebalancer les pertes dues à la chaleur », note Edward Gérardeaux.
- Baisse de la pluviométrie ?
Les modèles climatiques sont encore assez incertains sur l’évolution de la pluviométrie. En zones soudaniennes et sahéliennes, les derniers modèles des experts du GIEC prévoient des baisses de pluviométrie au Sénégal et au Mali, et des augmentations de pluviométrie plus à l’Est (Burkina Faso, Niger, Cameroun). Une seule certitude : les événements extrêmes, tels que les pluies torrentielles, tempêtes ou encore sécheresses prolongées, seront plus nombreux. Globalement, les rendements seraient ainsi impactés à la baisse jusqu’à 20 %.
En prenant en compte ces trois facteurs, les effets des changements climatiques seraient donc en moyenne négatifs sur le continent africain. Edward Gérardeaux souligne cependant que certaines régions pourraient en tirer des bénéfices : « Dans certaines zones en altitude, le froid est actuellement un facteur limitant pour les cultures. Madagascar par exemple pourrait ainsi voir sa production de riz dans les hautes terres augmenter grâce à la chaleur. »
Quelles stratégies d’adaptation ?
En culture pluviale, c’est-à-dire non irriguée, les auteurs de l’étude encouragent l’adaptation variétale. Cela consiste à choisir des variétés de riz plus résistantes à la chaleur et plus économes en eau. De nombreux paysans au Sénégal ont déjà recours à ces pratiques.
L’adaptation culturale doit s'effectuer en parallèle, notamment par l’adoption de techniques d’intensification agroécologique. En particulier, celles qui permettent de lutter contre la sécheresse et d’améliorer la fertilité des sols : le paillage pour limiter l’évaporation, l’agroforesterie pour augmenter l’ombrage et diminuer le vent, ou encore les cultures associées pour diminuer les risques et optimiser l’utilisation des ressources du sol.
François Affholder, agronome au Cirad et co-auteur de l’étude, rappelle cependant qu'on ne peut pas dissocier les stratégies d'adaptation au changement climatique à la nécessité d'intensifier les cultures sur le continent africain : « Il ne faut pas oublier que les rendements des cultures en Afrique sont en moyenne très bas et très inférieurs à leur potentiel. La sécurité alimentaire du continent est précaire et sa population est en croissance encore rapide : l’intensification agricole y est donc nécessaire. »
Les gains de rendement possibles avec l'intensification agroécologique sont bien supérieurs aux pertes anticipées par les scénarios pessimistes de l’impact des changements climatiques, qui eux se basent sur un niveau constant d'intensification agricole. Les capacités des agriculteurs à intensifier leurs pratiques, et a fortiori à le faire de manière agroécologique, dépendent cependant du niveau et de la qualité des investissements publics en soutien à ces transitions. Dans un grand nombre de situations agricoles en Afrique, l’apport raisonné des fertilisants azotés est notamment indispensable pour amorcer les dynamiques d’intensification. En parallèle, l’accès aux semences d'une diversité d'espèces, dont des légumineuses pour réduire cette dépendance aux engrais azotés, est primordial.
« Les changements climatiques risquent de réduire la marge de manœuvre pour intensifier durablement les cultures, poursuit François Affholder. Les investissements en faveur de cette transition risquent d’être moins efficaces et donc plus coûteux. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas dissocier intensification et lutte contre le dérèglement climatique : ces enjeux sont intimement liés. »
Références
Edward Gérardeaux, Gatien Falconnier, Eric Gozé, Dimitri Defrance, Paul-Martial Kouakou, Romain Loison, Benjamin Sultan, François Affholder, Bertrand Muller. 2021. Adapting rainfed rice to climate change: a case study in Senegal. Agronomy for Sustainable Development
Sixième rapport d'évaluation du GIEC. Août 2021