Science en action 4 mars 2024
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Conserver la biodiversité pour réduire les maladies émergentes
Les maladies infectieuses émergentes touchent chaque année plusieurs millions de personnes à travers le monde. Ce sont des pathologies nouvelles comme le Covid-19, responsable de 6 à 15 millions de décès selon les estimations. D’autres maladies connues dont l’incidence augmente fortement lors d’épidémies – comme Ebola – sont également considérées comme émergentes. Une grande majorité de ces pathologies sont transférées de l’animal à l’Homme, on parle de zoonoses.
Mieux comprendre les liens entre biodiversité et santé
Les autorités sanitaires s’inquiètent des changements globaux qui affectent la biodiversité. Et pour cause : santé humaine et biodiversité sont étroitement liées. « Les activités humaines et la déforestation augmentent les contacts entre humains, animaux domestiques et sauvages, explique Julien Cappelle, écologue de la santé au Cirad et coordinateur du projet BCOMING. Ces proximités nouvelles multiplient les opportunités de transmission de maladies à l’Homme ».
À cela s’ajoute un autre mécanisme favorisant l’émergence de certaines zoonoses comme le virus West Nile. « Lorsque la diversité des écosystèmes est réduite, les pathogènes se propagent plus entre individus de même espèce, augmentant alors notre exposition », poursuit Julien Cappelle.
Mieux comprendre les mécanismes favorisant l’émergence de maladies infectieuses est primordial. C’est l’objectif poursuivi par le projet BCOMING (Biodiversity Conservation to Mitigate the risks of emergING infectious diseases). « Notre but est de développer des stratégies de conservation de la biodiversité et de surveillance des maladies pour réduire le risque d’émergence », détaille Julien Cappelle.
Les moyens ? 14 partenaires réunis à travers le monde et un financement de 6 millions d’euros dans le cadre du programme Horizon Europe. Le Cirad coordonne l’ensemble grâce à son expertise sur les liens entre santé globale des écosystèmes et biodiversité pour réduire les maladies infectieuses. Le projet BCOMING démarre en août 2022 pour une durée de six ans.
Trois pays, sept pathogènes, deux étapes clés
Le projet se concentre sur sept pathogènes répartis dans trois zones d’études : le Cambodge (Sars-cov-2), la Guinée (Ebola, Marburg et Lassa) et la Guadeloupe (West Nile). Les vers trématodes et les coronavirus, présents dans chacune des zones, sont également étudiés. Ces pays sont tous caractérisés par une biodiversité très riche : les zones tropicales sont en effet identifiées comme des hotspots pour le risque d’émergence de zoonoses.
« Le choix s’est également opéré en raison des différences socio-culturelles et des partenariats et projets déjà en cours, ajoute Julien Cappelle. Cette diversité va nous permettre de tester une nouvelle approche standardisée, applicable partout dans le monde et capable de s’adapter aux contraintes locales. »
Deux étapes permettront de remplir les objectifs :
• Améliorer les connaissances sur l’émergence des maladies zoonotiques
Les scientifiques s’attacheront à collecter des données écologiques, socio-économiques, environnementales et épidémiologiques grâce notamment à de nouveaux outils de détection rapide de pathogènes sur le terrain. « Ces données seront analysées de façon innovante, détaille Julien Cappelle. L’un de nos objectifs est ainsi de mieux évaluer l’impact des pratiques humaines sur la transmission des maladies, un ensemble de facteurs cruciaux et encore mal compris aujourd’hui. » Cette première étape aboutira au développement d’une approche standardisée, bénéficiant ainsi à l’ensemble de la communauté scientifique travaillant sur les mécanismes d’émergence des zoonoses.
• Prévenir l’émergence des maladies zoonotiques
Des modèles dits agent-centrés seront utilisés pour intégrer les données du projet. « Ils permettent de simuler la transmission des maladies entre les animaux et la population », évoque Julien Cappelle. Ils seront employés pour tester différentes stratégies de conservation de la biodiversité ou de nouveaux systèmes de surveillance pour réduire le risque d’émergence de maladies.
Une approche participative innovante
Ces modèles seront précieux au sein du projet BCOMING. « L’originalité du projet repose sur notre approche participative, réunissant l’ensemble des acteurs locaux, régionaux et nationaux, raconte Julien Cappelle. Les modèles agents-centrés serviront de support de discussion pour mettre en place des pratiques de prévention adaptées à chaque site d’étude ». L’ensemble des décisionnaires – communautés locales, ONG ou encore autorités nationales – bénéficieront de ces solutions concrètes pour prévenir l’apparition de zoonoses.
Au programme désormais ? Le lancement du projet en août 2022, immédiatement suivi de la finalisation des protocoles de collecte et les premiers développements de modèles. « La réunion de l’ensemble de nos partenaires va nous permettre de finaliser cette phase amont et d’engager le processus de co-construction », conclut le chercheur.