L’idéotypage de systèmes alimentaires : Une méthode testée pour la première fois en Côte d’Ivoire

Coupler des innovations pour construire des « idéotypes »

Les projets SAFOODS et MARIGO ont en commun de s’intéresser au devenir des systèmes alimentaires autour des filières maraîchères et se déploient tous deux en Côte d’Ivoire, notamment à Abidjan et Yamoussoukro. Si l’un est centré sur l’adaptation au changement climatique et l’autre sur les transitions agroécologiques, les partenaires des deux projets ont jugé intéressant de mutualiser leurs actions pour réfléchir ensemble à des idéotypes contribuant à renforcer la résilience et la durabilité des systèmes alimentaires. L’atelier conjoint a réuni une équipe pluridisciplinaire (chercheurs, agriculteurs et acteurs des filières horticoles de la région de Yamoussoukro), avec pour objectif de co-concevoir des « idéotypes » de systèmes alimentaires résilients face à la menace que représente le changement climatique.
Un idéotype est « un système alimentaire théorique (donc « idéel ») qui semble cohérent d'un point de vue agronomique, économique et sociotechnique […] et qui répond à un ensemble d’objectifs et de contraintes identifiées ».
Dans ce cadre, les participants ont adopté l’idéotypage : une démarche qui consiste à coupler des innovations rencontrées à différentes étapes des chaînes de valeur (production agricole, récolte, commercialisation, transformation, consommation), tout en prenant en compte l’environnement institutionnel (services d’appui, institutions financières, infrastructures publiques).
L'idée de concevoir des innovations "couplées" vient du fait que, souvent, les acteurs des filières horticoles proposent des solutions d’innovations prometteuses et variées, mais qui sont rarement adaptées à plus grande échelle, parce qu'elles sont réfléchies de façon isolée. Ces solutions d’innovations peuvent se révéler incompatibles avec les problématiques de terrain que peuvent rencontrer d’autres acteurs d'une même filière.   La démarche de couplage des innovations vise donc à mutualiser les réflexions et à créer des synergies entre les acteurs des filières, afin de proposer des solutions d’innovations les plus réalistes possibles et qui peuvent se déployer à grande échelle.

Une démarche d’idéotypage en 6 grandes étapes :

Concrètement, la démarche d’idéotypage s’est déroulée sur 5 jours avec plus de 30 participants(es), des membres des équipes projet et des partenaires (Cirad, Université Nangui Abrogoua, ISRA BAME).

• Étape 1 : Le partage des éléments de diagnostic

Lors de la première journée d’atelier, l’équipe d’animation a réuni les participants autour d’un diaporama, afin d’identifier les principales contraintes qui freinent la transition agroécologique et l’adaptation des systèmes alimentaires au changement climatique. Au total, 4 contraintes majeures ont été retenues : la forte pression des bioagresseurs, le faible accès aux équipements et intrants, le faible accès au marché pour les produits agroécologiques et les pertes post-récolte.

• Étape 2 : La construction de l’arbre à problème

Les participants ont été répartis en 4 groupes, chaque groupe ayant pour consigne de construire un arbre à problème et à solutions à partir d’une contrainte précédemment citée. À l’issue de cette étape, les participants ont pu ainsi hiérarchiser les causes des problèmes et les leviers à activer.

• Étape 3 : L’identification des voies d’innovations

À cette étape, les solutions identifiées ont été regroupées en voies d’innovations, c'est-à-dire un ensemble de solutions qui relèvent de la même logique d’action. Au total, 56 voies d’innovations ont émergé pour faire face aux 4 contraintes majeures identifiées.

• Étape 4 : La construction de la boîte à innovation

La deuxième journée a démarré par une session de partage d'expériences sur des initiatives portées par des participants à l’atelier. Les groupes de la veille se sont ensuite reformés pour des travaux consistant à proposer 5 options par voie d’innovation. À travers un format tournant de type « world café », chaque groupe a pu amender et compléter les réflexions des autres groupes et ainsi enrichir la réflexion collective. La boîte à innovations ainsi créée regroupe 198 options ventilées en 56 voies.

• Étape 5 : Construction des idéotypes

Lors de la troisième journée d’atelier, les participants ont été répartis en 3 groupes, chaque groupe ayant pour consigne de construire un idéotype de système alimentaire. C'est-à-dire, un nouveau modèle de système alimentaire qui répond à des objectifs et contraintes pré-identifiées. En premier lieu, les participants ont défini l’idée finale (de nature économique ou agronomique) qu’ils souhaitent associer à l’idéotype. Puis, ils ont sélectionné des options dans la boîte à innovation et les ont assemblées pour former un idéotype.

• Étape 6 : La construction d’un idéotype consolidé

Au cours de cette étape, l’équipe projet a fusionné les trois idéotypes construits la veille par chacun des 3 groupes, notamment en identifiant les acteurs (agriculteurs, grossistes, détaillants, etc.) et les fonctions des systèmes alimentaires de chaque idéotype. L’idéotype consolidé a ensuite été présenté sous la forme d’un texte avec chaque composante du système alimentaire, accompagné d’un schéma synthétique.

Conclusion

Conçue et développée au Sénégal dans le cadre de travaux à l’échelle de l’exploitation agricole, la méthode d’idéotypage a été pour la première fois élargie à l’échelle du système alimentaire au travers de l’atelier de Yamoussoukro. À la fin de l’atelier, les projets SAFOODS & MARIGO ont globalement atteint leurs objectifs initialement fixés : la mise en place d’une boîte à innovation avec 56 voies et 198 options de solutions développées ; la construction d’un idéotype de système alimentaire résilient et innovant face à la menace du changement climatique et le partage d'expériences entre les experts de chaque domaine et les agriculteurs. En 2024, les résultats de l’atelier d’idéotypage ont été restitués aux acteurs locaux et serviront de base à la stratégie d'accompagnement de la plateforme multi-acteurs du projet Marigo.