Science en action 4 mars 2024
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Comment améliorer la coexistence pacifique entre l’être humain et la faune sauvage
La zone de conservation transfrontalière de Kavango-Zambezi, plus connue sous le nom de KaZa TFCA, est une vaste région couvrant 520 000 km² et cinq pays (Angola, Botswana, Namibie, Zambie et Zimbabwe).
Les populations d'animaux sauvages se déplacent constamment, souvent au-delà des frontières nationales, en fonction de l'évolution de l'environnement, des ressources et du climat. La majorité des animaux sauvages vit et se déplace en dehors des trente-six zones protégées de KaZa. Ils interagissent régulièrement avec les 2,53 millions de personnes qui vivent dans la région.
Les faibles précipitations associées à des températures élevées dans la savane menacent la sécurité alimentaire des foyers, qui dépendent de l’agriculture familiale. Les communautés rurales de ce paysage de savane mènent une bataille quotidienne pour se procurer suffisamment de nourriture grâce à l'élevage et aux cultures à petite échelle.
Les hyènes tuent fréquemment du gros et petit bétail et de la volaille tandis que les éléphants détruisent les cultures, les greniers à céréales et sont à l’origine d’accidents mortels chez les paysans. Certains paysans n’ont d’autre choix que de recourir au braconnage, afin d’améliorer leur régime alimentaire et de générer des revenus.
En vue de réduire les conflits entre les populations et la faune sauvage et d'améliorer l'alimentation, les revenus et l'accès à l'eau, le programme SWM travaille avec les communautés du nord-ouest du Zimbabwe et du sud de la Zambie. Ces activités sont menées sous la coordination du Cirad, fort d’une expérience historique dans la résolution des conflits autour de l’utilisation des terres au cœur de la zone de conservation transfrontalière du Kavango-Zambèze (KAZA).
Autonomiser les communautés
L’activité principale du programme SWM dans la région repose sur la formalisation et l'établissement de conservatoires communautaires (CC). Le modèle a été développé pour la première fois en Namibie il y a plus de vingt ans. Il est basé sur la planification et la gestion de l'utilisation des terres par les communautés, dans le respect des droits des communautés sur leurs ressources traditionnelles.
« C’est un modèle qui transfère le pouvoir des autorités locales vers les communautés elles-mêmes, précise Maxwel Phiti, assistant technique du Cirad dans l’équipe du projet. Il s’agit de responsabiliser les communautés afin qu'elles gèrent les terres et que les bénéfices leur reviennent directement ».
Sur le terrain, accompagnées par les équipes, les communautés créent les institutions nécessaires à la gestion de trois nouvelles aires de conservation communautaires - deux en Zambie (MIZE) et une au Zimbabwe (Mucheni CC).
Le Cirad coopère aussi avec les ministères et d’autres partenaires institutionnels pour renforcer l’assise juridique de ces aires communautaires et des droits de leurs bénéficiaires.
Il est essentiel d'impliquer les communautés à chaque étape de la conception et de la mise en œuvre du projet, explique Martha Katsi, chargée de communication du Cirad pour les activités du programme dans la région.
« Les populations locales doivent se saisir de ces espaces protégés, car ils leur appartiennent, ambitionne Martha Katsi, chargée de communication. Le sentiment d’appartenance est un prérequis à la gestion durable des aires de conservation. Lorsque les communautés verront qu'il est payant de gérer leurs ressources naturelles et fauniques, la durabilité sera au rendez-vous. »
Améliorer les moyens de subsistance et la nutrition des populations rurales
Une autre composante du projet consiste à améliorer, avec les communautés, les activités d’élevage et de pisciculture afin de diversifier les apports en protéines, d’accroître la sécurité nutritionnelle et les revenus des agriculteurs. Au Zimbabwe, par exemple, l’arrivée en 2021 de 36 boucs de races améliorées a permis la naissance de 250 chevreaux produisant plus de viande et vendus à des prix plus élevés sur le marché.
En parallèle, les infrastructures d’élevage ont été modernisées. Des cuves de trempage participent à la prévention des maladies animales et de nouveaux enclos à bétail sont utilisés par les éleveurs, pour vendre différents produits agricoles. En Zambie, les alevins introduits dans les nouveaux étangs de pisciculture offrent de nouvelles sources de protéines et de revenus. Pour améliorer l’accès à l’eau, les équipes font des forages et aménagent des points d’eau distincts pour les hommes et le bétail.
Enfin, des troupeaux d’impalas, de zèbres et de koudous ont été transférés sur le site zimbabwéen du projet. Ils pourront également contribuer à améliorer les moyens d’existence, au moyen de la chasse durable et l’organisation de safari-photo.
Un processus exigeant, mais vertueux
Les perceptions des communautés vis-à-vis de la faune sauvage évoluent doucement. « Avant, celle-ci était perçue de manière négative, puisque responsable de dégâts humains et matériels. Mais une fois que les communautés comprennent qu’elles peuvent en tirer des revenus, elles sont incitées à protéger la faune sauvage », analyse Martha Katsi. Pour illustrer ses propos, elle cite le cas d’un éleveur ayant vu vingt chèvres mangées par les hyènes. Le nouveau système d’enclos mobiles mis en place dissuade aujourd’hui les prédateurs et réduit les pertes de manière significative. Par ailleurs, la culture de piments permet désormais d’éloigner les éléphants, tout en générant des revenus complémentaires.
La mobilisation communautaire guide l’ensemble des activités. C’est ainsi qu’au sein des villages, des « gardiens » des ressources naturelles, jeunes femmes et hommes, sont élus et formés à la gestion de la faune sauvage. Ils mènent des patrouilles régulières pour juguler le braconnage.
Le système de garanties sociales, vade-mecum de la mobilisation communautaire
Garantir la participation, l’appropriation et le leadership des communautés est essentiel pour le programme SWM. Pour établir une relation inclusive avec les populations locales, le projet a défini un système de garanties sociales. Toutes les activités du programme adoptent ainsi une approche basée sur les droits des communautés locales et indigènes, afin que celles-ci :
- participent et soient incluses de façon équitable ;
- gagnent en autonomie dans leur gestion légale et durable des ressources naturelles ;
- renforcent leurs compétences pour vivre avec et de la faune sauvage.
Les garanties sociales constituent une innovation dans le domaine de la conservation. Elles ont rarement été mises en application dans des projets à grande échelle.
Le système de garanties sociales repose sur cinq principes :
- une analyse de la situation en matière de droits des communautés ;
- un consentement préalable, libre et éclairé des communautés ;
- une approche en six étapes pour viser l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes ;
- une éthique de la recherche :
- un mécanisme de gestion de recours et réclamations.
« Au Gabon comme ailleurs, nous sommes très attentifs à la façon dont nous travaillons avec les communautés, souligne Hadrien Vanthomme. Le système de garanties sociales répond aux besoins des communautés et permet de définir et développer les activités avec elles, de façon participative ».
Pour Patrice Grimaud, du Cirad et coordinateur du programme SWM dans la région Kavango-Zambesi (Kaza) : « Travailler en étroite collaboration avec les communautés est certainement l’une des dimensions les plus importantes du programme. Le système de garanties sociales nous aide à le faire de façon concrète et efficace ».